Merveilles de Femme

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REVIENS-MOI

REVIENS-MOI : PARTIE 2

***Salimata Serena Niane***

J’étais consciente qu’il m’était arrivé quelque chose de grave car il faisait sombre dans le trou ou je semblais être tombée. J’ai essayé de me débattre, mais impossible de bouger même un doigt.
De temps en temps, j’avais eu l’impression d’entrevoir la lumière, d’entendre une voix que je connaissais ou qui m’apaisait en tout cas, puis un autre instant rien. Pourtant, je me disais qu’il fallait que je sorte de cette inertie qui semblait m’avoir envahie. Pour me motiver, je pensais à mon mariage imminent et j’imaginais que mon état devait inquiéter Almamy, mon fiancé. Et mes parents, mon Dieu, je n’imaginais même pas dans quel état ils devaient être surtout mon papa d’amour.

Je me disais allez Séssé ! il faut que tu te réveilles, tu dois rassurer les gens que tu aimes.
Almamy
Papa
Les hommes de ma vie.

Mais je me suis réveillée avec une migraine carabinée, totalement dégoûtée de ne voir dans la chambre que des inconnus. Même s’ils me souriaient et essayaient de me réconforter sur mon état, ce n’était pas d’eux dont j’avais besoin. Et soudain je me suis mise à flipper et si mes proches n’étaient pas là car ils avaient péri dans l’accident ? Mon dieu non, faites que ça ne soit pas ça !
• Moi : il y’avait qui d’autres dans la voiture ? j’espère que mes parents vont bien et Almamy ? ou est Almamy ?
• Dr : vous étiez juste avec votre mari
• Moi : comment ça ? (Serait-il possible que je sois déjà mariée avec Almamy et que je ne m’en souvienne pas ?)
• L’homme à la barbe : tu sais qui je suis Saly ? demanda-t-il en prenant ma main
• Moi : pourquoi vous m’appelez Saly, je déteste mon premier prénom !

Ça se voit qu’il ne me connait pas lui, même si son attitude envers moi veut démontrer le contraire ! je n’aime pas cette façon que cet homme avait de me regarder comme s’il voulait m’hypnotiser ou sonder mon âme et pourquoi me touchait-il ? Je retirai ma main anxieuse

• Lui : tu sais qui je suis ? répéta-t-il
• Moi : je ne sais pas moi, vous êtes un des médecins ?
• Lui : je suis ton mari, Salimata
• Moi : mon QUOI ???? IMPOSSIBLE

Impossible, Impossible, Impossible !!! je ne peux pas y croire, moi mariée avec un autre homme qu’Almamy ?? oh mon Dieu, qu’est-ce qui m’est arrivé ?

• Moi : non, non !
• Dr : calmez-vous, calmez-vous. Dites-moi, en quelle année croyez-vous que nous sommes ?
• Moi : euh si mes souvenirs sont exacts et si je ne suis pas ici depuis plus d’un mois, nous sommes en janvier 2010, dis-je sure de moi
• Dr : …
• Moi : ce n’est pas ça ?
• L’homme à la barbe : nous sommes en juillet 2015
• Dr : je suis désolé mais il me semble que vous venez de perdre 5 années de souvenir
• L’homme à la barbe : vous aviez dit que l’opération s’était bien passée dit-il en se tournant vers le médecin, l’air en colère
• Dr : Mr Cissé, un traumatisme crânien ce n’est pas une jambe cassée. Le cerveau humain est tellement complexe, tellement imprévisible et le choc a pu provoquer des dommages divers dont la perte de mémoire, ou des sautes d’humeur brutales… Mais je ne peux pas dire si les séquelles seront permanentes. Il suffit peut-être d’attendre que son brouillard se dissipe. Mais c’est normal…
• L’homme à la barbe : vous trouvez que c’est normal ? normal qu’elle oublie son mari ?
• Moi : arrêtez, arrêtez svp !

Dix millions de questions se bousculaient dans ma tête, et mon mal de tête semblait augmenter de plus en plus. 5 ans, ça fait tellement beaucoup. Je tremblais juste en pensant à ce qui s’était passé durant cette période. Pourquoi je me suis séparée d’Almamy ? pourquoi j’ai quitté Monaco ? et qu’est-ce qui m’a pris d’épouser un homme qui semble être aux antipodes de ce que je considère comme mon homme idéal, à première vue ?
Le médecin était tout rouge, il bredouilla quelques mots incompréhensibles et quitta la chambre. Et je me rendis compte que j’avais peur de rester seule avec « mon mari ». S’il a fait partie de ma vie durant ces 5 dernières années, il représentait désormais l’inconnu, l’oubli. Mais malgré tout mon envie de lui demander de me laisser seule, j’avais conscience qu’il était celui qui pouvait répondre à mes questions dans l’immédiat.

Je ne pus m’empêcher de regarder mes mains, et la vue de mon alliance me fit tressaillir. Il continuait à me fixer « tendrement », me laissant surement le temps d’assimiler la situation.
• Je voudrais dormir un peu, chuchotais-je pour rester dans ma bulle et échapper à son regard pénétrant
• Bien sûr, je serais à coté si tu as besoin de quelque chose. Je t’ai ramené des vêtements, une brosse à dent si tu veux te changer
• Tu t’appelles comment ?
• Mame cheikh Ahmad Bamba
• Il est long ton prénom
• Mes proches m’appellent Ahmad Bamba et toi « Imaam »
• Hum… tu es sénégalais ?
• Oui
• …
• Vas-y dors, maintenant

Comme si c’était aussi simple ! je déteste le ton qu’il emploie pour me parler comme si j’étais une enfant, une pauvre petite chose sans force. Avec sa barbe et son caftan un peu court, il avait l’air coincé, et son regard avait quelque chose de féroce. Il a dit que je l’appelais Imaam, hum j’aurais plus envie de l’appeler Alquaïda… oh mon Dieu dans quoi je m’étais embarquée ???

***Imaam***

Je n’ai jamais été aussi perdu de toute ma vie. J’ai l’impression que tout ce que j’ai vécu ces 3 dernières années était remis en question. Quand j’ai fait la connaissance de ma femme, elle avait déjà vécu des choses douloureuses, qui avaient changé sa façon de voir la vie mais qui lui avaient permis d’avoir un nouvel état d’esprit. Fille d’un diamantaire sénégalais et d’une maman antillaise, grande avocate à la cour, elle m’avait avoué avoir été gâtée et choyée, même si elle s’était sentie souvent étouffée car ses parents avaient une tendance à vouloir tout décider pour elle.
A chaque fois qu’elle me racontait ses folies, j’avais toujours du mal à l’imaginer dans ces états-là, elle est tellement posée, timide parfois, tellement pudique quand on sort de chez nous. Je m’étais toujours demandé si elle m’aurait attirée, si je l’avais connue à cette époque. Dorénavant, j’allais connaitre la réponse.

Comme, il fallait que je la laisse se reposer, je suis rentré chez nous. J’étais complètement lessivé ! la maison semblait si vide sans elle, je sentais son odeur partout ! comme un robot, j’ai fait le ménage de fond en comble. J’ai préparé à manger des trucs qu’elle aimait et tout emballé pour l’emmener à l’hôpital, je sais à quel point la nourriture y est horrible. Mais pendant tout ce temps, mon esprit faisait tourner en boucles tous les souvenirs de nous que ma femme avait perdu. C’est le coup de fil de mon frère qui me fit sortir de mes pensées
• Bro, je viens de voir ton message. Alhamdoulilah, commença-t-il
• Yeah alhamdoulilah, c’est un réel soulagement de la voir à nouveau consciente.
• Pour ce qui est de son trou de mémoire, c’est un test de d’Allah à mon avis.
• Hum…
• Elle va s’en sortir, mais il vous faudra beaucoup de patience et surtout tout recommencer à zéro
• C’est délicat Fad. Je ne connais pas cette Saly qui refuse même qu’on l’appelle « Saly ». Elle se méfie de moi, je n’arrive pas à lire dans son regard, et j’appréhende ses humeurs.
• Comment ça elle se méfie de toi ?
• Elle a réclamé son ex quand elle a repris connaissance, ce qui est normal si elle a zappé ces 5 dernières années… mais quand elle pose son regard sur moi, je vois ses questions, elle se demande ce qu’elle peut bien faire avec moi.
• Tu deviens parano frangin. Tu es en train de douter car tu sais le genre de type qu’elle fréquentait avant et tu as peur de ne pas être à son goût hein. Laisse les choses se faire naturellement. Et qui sait peut-être que son amnésie ne durera peut-être pas longtemps. Et puis vois le côté positif des choses
• Parce qu’il y’a un côté positif??
• Si elle ne se souvient plus de vous deux, elle a oublié les scandales monumentaux que tu as déclenchés à cause de ta jalousie maladive, hein ! ce sera l’occasion de repartir de zéro quoique la première fois je me suis demandé ce qu’elle pouvait bien te trouver avec ta tronche de bad boy et ça ne s’est pas arrangé avec l’âge !
• Merci beaucoup frangin, tu m’aies d’un grand secours
• Tu as vu ça ? Toujours là pour te remonter le moral petit frère !
• Lol, mais sérieusement Fad, si elle ne se souvient pas de moi, je fais quoi ?
• Elle se souviendra de toi, elle se souviendra de nous tous. Nous sommes sa famille. Courage boy
• Ok ok tu as raison !
• Je passerai vous voir après le boulot, in chaa Allah
• D’accord à plus.

2h plus tard je suis retourné à l’hôpital et je l’ai trouvée debout en train d’inspecter les affaires que je lui avais prises. Elle les reposa sur le lit, me fixa un moment, avant de se décider à parler
• Je… euh tu étais où ? bredouilla-t-elle
• Je suis passé à la maison pour te faire à manger
• Merci. Je commençais à avoir faim…
• De rien.
• Dis-moi, pourquoi mes parents ne sont pas venus me voir ? l’infirmière m’a dit que depuis que je suis là, personne ne s’est présentée comme étant mon père ou ma mère
• Je ne les ai pas avertis
• Mais pourquoi ???
• Ça fait plusieurs années que tu n’étais plus en contact avec eux. Je ne les connais même pas
• Qui m’a donné en mariage alors ?
• Le père d’Amina
• Amina N’diaye ?
• Oui, tu vivais chez eux avant notre mariage
• Je ne comprends pas… Au nom de quoi je n’étais plus en contact avec ma famille ?? je ne sais pas si tu te rends compte des liens tellement forts que j’ai avec mon père par exemple
• C’est une histoire qui date avant nous, bébé. Vous n’étiez pas d’accord sur tes études, ton avenir et c’est parti en vrille
• Seulement ça ? moi tout ce dont je me souviens, c’est les préparatifs de mon mariage avec Almamy. Nous étions tous euphoriques et heureux, heureux !!! pfff
• Ecoute moi, la meilleure chose à faire, là, c’est de reprendre ta vie, avec moi. On va y allait mollo, je suis sûr que petit à petit tu vas reprendre tes marques et les souvenirs vont te revenir
• Je veux bien te croire, mais je ne te connais même pas bon sang ! et tu veux que je vienne avec toi, te suivre dans ton appartement et jouer à l’épouse modèle
• Il s’agit de notre maison, notre chez nous
• Mais je n’ai même pas de preuve qu’on était amoureux, toi et moi
• Et pourtant on est marié…
• Les gens se marient pour tout un tas de raison !!!
• Nous nous sommes mariés par amour.
• Alors pourquoi quand je te regarde, je ne ressens absolument rien ? pas de désir, pas de tendresse alors de l’amour n’en parlons même pas !
• Euw… (mon ego était écorché à vif)
• Je suis désolée, vraiment ! je ne veux pas me calquer sur mes préjugés mais tu n’es même pas le genre de mec qui me plait d’habitude
• Et je suis comment ?
• Ton accoutrement, ta façon de parler… et quand je vois les habits que tu m’as ramené : nous sommes en été et j’ai là des robes longues avec manches longues et des foulards…
• Tu es devenue musulmane il y a 3 ans et c’était ton choix.
• Genre soumise, pudique et voilée, femme au foyer
• Tu avais raison tout à l’heure, tu as plein de préjugés. Tout ce que je peux te dire c’est que tu es heureuse et épanouie dans ta nouvelle vie.
• Je suis désolée Ahmad Bamba mais j’ai des doutes.
• …
• J’ai besoin de retrouver un environnement qui me soit familier. De retrouver les êtres qui me sont proches. Peut importe aujourd’hui que j’ai eu un diffèrent avec mes parents, je n’avais pas le droit de partir. Si je n’avais pas survécu à cet accident, ça voudrait dire que je serais actuellement morte sans les avoir revus et serrés dans mes bras durant toutes ces années.
• Je suis d’accord que tu te réconcilies enfin avec tes parents. Je pense que tu as assez mûri désormais pour pouvoir gérer tous les problèmes qui se dresseront sur ton chemin. Mais ta place est avec moi, laisse-nous une chance de remplir ce vide dans tes souvenirs. Ce que nous vivions était sincère et je sais que n’aurions aucun mal à raviver la flamme.
• Non.
• Non ?
• Je vais y aller à mon propre rythme et selon mon ressenti
• Je ne voulais pas te forcer
• Je n’ai pas l’intention de rompre le contact avec toi, mais j’ai besoin de rentrer à Monaco chez moi. Prête-moi ton téléphone stp, je vais appeler mon père.

Elle était décidée et à cet instant, elle n’attendait qu’une chose que je refuse de la laisser partir ou que je sois en colère pour pouvoir se rebeller. Je suis déçu et vexé qu’elle ne ressente plus les sentiments qui nous liaient, et je suis frustré de la voir refuser de m’accorder le bénéfice du doute, mais je vais me battre pour nous. Je vais me battre car contrairement à elle, je sais ce que c’est que de vivre avec elle, je sais comment elle m’aimait, comment elle me faisait me sentir unique, et comment nos instants d’amour physique, d’amour spirituel, étaient juste sublimes.

Je ferais tout ce qui est mon pouvoir pour qu’on les revive. 

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