Merveilles de Femme

Histoires africaines

A bout de souffle - Tome 3

A bout de souffle Tome 3 – Partie 01

Madina Aïdara Bathily

 

Je regardai Cheikh qui tenait sa fille dans ses bras, ému… j’ai l’impression qu’il n’arrive pas à détacher ses yeux d’elle.

– C’est ta fille Cheikh !

– Je sais Madina, il a fallu que je la voie pour en être sûr, c’est mon œuvre ça, y a que moi qui fais des bébés aussi mignons, dit-il, très ému. Elle est magnifique !

On s’est parlé, je lui ai dit toute la vérité concernant cette histoire mais j’ai omis volontairement de ne pas lui parler de Lamine, je ne sais pas ce qu’il serait capable de lui faire. Et à vrai dire, je le crains maintenant et je le déteste de toutes mes forces, je ne veux plus rien savoir, ni de lui, ni de cet enfant.

Cheikh n’a fait aucun commentaire sur cette histoire, il avait le visage grave mais il gardait son calme, les yeux rivés sur sa petite princesse…

Je suis rentrée avec lui après le baptême, c’est maman Kiné qui s’occupait de moi. Ma petite Kiné a sauté de joie quand elle m’a vu. Elle m’avait trop manqué, ça fait tellement longtemps que l’on ne s’était pas vu. Elle n’arrêtait de caresser les mains de sa petite sœur puis elle leva ses yeux remplies de larmes sur moi…

– Maman, je ne veux pas qu’elle disparaisse comme Aicha ! Laissa-t-elle sortir

– Elle ne disparaitra pas chérie, elle sera toujours là avec toi et tu t’occuperas bien de ta petite sœur, répondit Cheikh en la prenant dans ses bras

Mais larmes coulaient, la douleur est toujours présente et le sentiment de culpabilité ne me quitte pas. Je pense aussi à cet enfant issu d’un viol, oui c’est mon enfant et il est sorti de mes entrailles mais il a cessé d’être mon fils depuis ce jour, il est mort pour moi… Je retins difficilement mes sanglots.

– Pleure pas Madina, je suis là pour vous et je serai toujours là, dit-il en me caressant le bras

Je sentis encore très vite cette distance, la froideur dans sa voix. Cheikh ne m’appelait Madina que lorsqu’il est fâché contre moi et je sens qu’il est en train de forcer ses gestes, il m’en veut toujours même s’il ne le dit pas. Il prit sa fille dans ses bras avant de se lever du lit.

– Repose-toi, je vais garder Salma !

Je me couchai alors, je ne peux pas rester debout plus de deux minutes à cause de mon anémie sévère. Je m’endormis en pensant à Cheikh et à notre future…

Des jours se sont passés, je commençai à reprendre mes forces. Je pouvais désormais m’occuper de ma fille sans l’aide maman ou de Cheikh. Parlant de lui, rien à changer, il me fuit toujours. Je ne veux pas forcer les choses alors pour le moment je laisse faire, il reviendra, ça, j’en suis sûre.

Je finissais de donner le sein à la petite quand Salma débarqua avec les bras chargés…

– Je suis venue voir mon homonyme ! Je vais laver les mains, j’arrive !

Elle revint et prit la petite dans ses bras

– Mane sama cas mo grave ! Je suis un cas grave ! Je ne peux pas voir un nouveau né sans avoir envie d’un bébé moi aussi. J’adore les nouveaux nés, regarde, elle si petite avec sa bouille là, elle est à croquer ma toma Ma Shaa Allah !

– Mais vas-y tu peux encore faire des triplés tant qu’on y est !

– Hi ça va ! Là mom c’est bon, j’ai atteint ma limite !

– Ah Salma je te connais juste pour faire plaisir à Rachid, tu vas encore nous amener des triplés !

– Sa lamine déh, mo li lane la ? Très sérieusement, c’est bon là !

– Si tu le dis, on verra bien !

 – Et toi comment tu vas, Cheikh s’occupe bien de toi ?

 – Oui je ne me plains pas, d’ailleurs je n’ai pas le droit de me plaindre après tout ce qui s’est passé dernièrement !

 – Eh ma chérie, tu as le droit de dire ce que tu ressens aussi ! Je sais que Cheikh est distant mais laisse-lui juste le temps de se remettre les idées en place, tu verras que tout sera comme avant !

 – C’est tout ce que je souhaite Salma !

 – Alors patiente, ça ira ! Alors tout ça, c’est pour ma petite tokhora !

 – Salma c’est trop vraiment ! Tonton Rachid est passé avec une tonne de jouet et je n’ai plus de place pour ranger tout ça !

 – Hey rien n’est de trop pour notre petite princesse ! Bon j’y vais, je vais récupérer les enfants à l’école ! On se dit à demain ?

 – Oui In Shaa Allah, merci encore !

  

Je remontai dans la chambre avec la petite qui dormait déjà. J’en profitai pour en faire de même avant qu’elle ne se réveille.

 – Bonsoir, Madina comment tu vas ? Dit Cheikh, lorsqu’il pénétra le salon avant de se tourner vers ses enfants, alors mes princesses ?

 Kiné était déjà sur le dos de son père, il avança avec elle jusqu’à la balancelle et posa un bisou sur le front de Salma.

 – Allez Kiné descend, je vais prendre une douche !

 Je le regardai monter les escaliers et je me demandais si c’était le même Cheikh qu’avant. Pourquoi ce comportement envers moi ? Je suis consciente que j’ai vraiment déconné mais pourquoi m’a-t-il demandé de revenir avec lui s’il ne m’a pas pardonné ? J’essuyai mes larmes et pris la petite Salma pour lui donner le sein.

 – Alors comment s’est passé ta journée ?

 Je croyais qu’il parlait à sa fille puisqu’on se parle très rarement mais sentant son regard sur moi, je relevai ma tête et je le vis me fixer…

– Euh tu me parles ?

 – Oui, fit-il après un moment d’hésitation

 – Bien Alhamdoulillah ! Salma a été très sage aujourd’hui et j’en ai profité pour dormir un peu !

 – C’est bien alors ! Bon je sors, je reviens avant le diner, à plus tard !

 Il sortit me laissant encore plus désemparée. Quand est-ce que tout cela va finir ? J’ai l’impression que je ne suis pas encore sortie de l’auberge. Je vais devoir encore lutter pour avoir une place dans cette vie. Ma situation n’a pas évolué d’un iota, je suis toujours au même point de départ et le pire, je ne connais pas ma destination…

 Mon mari revient deux heures plus tard. Il prit Salma dans ses bras avant de la coucher sur sa poitrine

 – Cheikh, ce ne sont pas des positions à habituer à un bébé, elle risque de s’y habituer et Madina aura du mal avec elle si tu n’es pas là ! Reprocha maman Kiné

 – Oui maman, je sais, une minute seulement !

 – Tu étais partie où papa ?

 – J’étais parti voir quelqu’un et c’est lui qui t’a offert les bonbons, répondit-il

 – Ah Tata Nancy, y a qu’elle qui m’offre des Haribo à la fraise !

 Il ne répondit papa, il me lança quand même un regard furtif

 – Maman tu connais Tata Nancy ?

 – Non chérie !

– C’est la copine de papa et de tata Salma ! On était ensemble à Paris, elle est très belle et très gentille !

– C’est bien alors !

 – Tu sais qu’elle était la fiancée de papa avant que tu ne reviennes de ton voyage ?

 – Ay goné gui lé ! Tais-toi maintenant, danga meuneu nétali ! Recadra maman

Je sentis mon rythme cardiaque s’accélérer. Je baissai la tête et triturai nerveusement mes doigts…

 – Mais c’est vrai mamie, elle a dit à tata Salma qu’il aimait beaucoup papa et papa lui offrait tout le temps des cadeaux !

 – Elle est gentille tata Nancy, rajouta Cheikh de manière détachée

 Ne voulant pas jouer à la petite capricieuse, je fis aucun commentaire mais j’avais horriblement mal. Alors c’est pour cette raison que Cheikh fait comme si j’étais une inconnue dans sa vie ?

 Je me levai comme je n’avais rien à faire dans le salon et partie me loger dans ma chambre. Je refermai la porte et me couchai essayant d’étouffer mes sanglots du mieux que je pouvais.

 Pourquoi je ne peux pas vivre comme les autres ? Je suis tout le temps dans des situations compliquées. Si Cheikh a laissé cette fille entrer dans la vie de Kiné c’est parce qu’il avait de sérieuses intentions peut-être qu’il voulait l’épouser. Je me sentis mal à cette pensée mais c’est vrai, il avait quelque chose de sérieux entre eux, elle doit être exceptionnelle pour que ma fille s’attache aussi facilement à elle.

 Une chose est sûre, il est impensable que je partage Cheikh… plutôt mourir !

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