Merveilles de Femme

Histoires africaines

A bout de souffle - Tome 2

A bout de souffle – Tome 2 : Partie 1

Khalifa Sow

J’aide Cheikh à se relever, il était faible à cause de ses vomissements. Il est obligé de passer par là pour purger son estomac. Cela fait deux mois qu’il est là, incapable de sortir de sa bouche le nom de Madina… moi-même je le plains. Personne ne mérite ce qu’il est en train de vivre…

– Khalifa si je dois mourir je veux voir pour la dernière fois Kiné. Appelez, Madina qu’elle m’emmène ma fille ! Dit-il faiblement

– Cheikh tu délires…

– Je ne délire pas Oustaz ! Ma fille… je veux voir Kiné !

Mon portable sonne et c’est encore Fatima. Je ferai mieux de répondre cette fois…

– Bissimillah ! Répondis-je en fermant les yeux sachant d’avance qu’elle va recommencer à crier comme ce n’est pas permis

– Guiss nga yaw Khalifa dinga khamni mane nga fiy fekk ! Tu m’avais dit que tu seras à Dakar aujourd’hui et il est déjà 22 heures et pas une ombre de toi ?!

– Je suis toujours à Gaya, Cheikh a rechuté ce matin et je ne peux pas le laisser seul dans cet état, expliquai-je espérant qu’elle comprenne

– Mais je m’en fous ! Cracha-t-elle

– Fatima !

– Oh mayma !!! Cela fait deux mois que tu n’as pas mis tes pieds à Dakar oubliant que tu as laissé une femme ici ! Je ne suis pas un meuble à qui un dépoussiérant suffit pour être clean khamal lima la wakhoul tei nga indi watt sa bopp sinon lo guiss rek mane la !!!

– Tu as raison ma chérie mais vraiment je ne peux pas laisser Cheikh dans cet état. Je te promets que je viendrai dès qu’il ira mieux incha’Allah !

– Kay ma wakhla lo yeugoul nak. Demain si tu ne te montres pas tu me rendras ma liberté dégue nga ? Sortit-elle sans arrière-pensée 

A chaque fois c’est le même disque. Elle aime trop jouer avec cette phrase.

– D’accord demain à la même heure tu m’appelles et je te donnerai ce que tu réclames !!! Répondis-je avant de raccrocher et éteindre mon portable, elle aura le temps de réfléchir à ses menaces

– Tu vois, elles sont toutes pareilles ! Madina est partie avec un autre, elle a laissé une autre la toucher ce qui veut dire qu’elle m’a oublié… Fatima elle te crie dessus comme si tu étais sa propriété. Tu vois si tu en profiter pour me castrer je n’aurai plus besoin de femme de ma misérable vie…

– Mais non… je ne vais pas te castrer mais je vais te soigner et tu vas retourner à Dakar reprendre ta vie en main. N’oublie pas que Kiné a besoin de son père, dis-je en souriant

– Ca fait tellement longtemps que je ne l’ai pas serré dans mes bras. Madina est mauvaise Oustaz !

– Ne dis pas ça Cheikh, tentai-je avant qu’il me coupe

– Si, elle savait que Kiné est la prunelle de mes yeux et elle l’a emmené avec elle en plus elle refuse que je lui parle prétextant que je suis un vulgaire alcoolique… Elle est mauvais cette fille !

Il sanglote et recommence à pleurer. Quelques minutes après il s’endort enfin en hoquetant comme un enfant…

Salma Bathily

 

Je viens de raccrocher avec Oustaz, Cheikh va beaucoup mieux mais il préfère rester à Dagana quelques jours de plus avant de rentrer. Ces mois ont été dures pour tout le monde. Maman Kiné est devenue méconnaissable depuis cet après-midi où tout à basculer et la maladie de Cheikh n’a fait qu’aggraver son cas. Elle s’est renfermée sur elle-même et ne veut plus voir personne. Maman Amy a beau parlé mais c’est comme si elle s’adressait à un mur.

Nous avons appris il y a quelques semaines que Madina a eu une notre enfant avec son nouveau mari, c’est Tamara qui nous l’a dit, elle lui parle au moins mais elle refuse qu’on parle à Kiné je crois que c’est ce qui a aggravé le cas de Cheikh. Certes nous avons commis une erreur ce soir-là mais elle n’a pas besoin d’éloigner sa fille de sa famille et surtout de son père. Elle avait promis qu’elle ne laissera Cheikh la voir quand il se souhaite mais depuis quelques mois c’est le silence radio quand Cheikh appelle, elle lui hurle le dessus ou elle l’insulte avec tellement de virulence… elle a tellement changé.

Mon téléphone sonne et c’est Tamara, je décroche sans hésiter…

– Mme Rahîm Diop ?

– Mme Rachid Bathily comment tu vas ?

– Super et toi ?

– Cool aussi. Ecoute je suis devant ta boutique et j’aimerai te parler, tu es là ? Dit-elle un peu sérieuse

– Oui, je suis dans mon bureau !

Elle raccroche et tape à ma porte une minute après. On se fait la bise et elle prend place

– Alors nakamu ?

– Akh je suis là trop de boulot ces derniers jours Rahîm ne me lâche pas d’une semelle. Il me tape tout le boulot pour aller dans les séminaires et colloques prétextant qu’il ne veut pas qu’on me regarde

– Il a raison aussi Tamara avec tes fesses là tu peux même créer des embouteillages dans les salons de thé. Il a raison ton mari hein, blaguai-je en explosant de rires

– Ah oui, kone yes ! Alors ce n’est pas ça qui m’emmène ma chérie, dit-elle le visage inquiète

– Lou xew mba diam ?

– La badienne de Madina m’a appelé hier en pleurs. Elle dit que ça fait 6 mois qu’elle n’a pas de nouvelles de sa fille. Au début son portable sonnait dans le vide et maintenant ça ne sonne plus.  Elle a demandé à une de ses cousins qui habitait dans la même ville qu’elle d’aller se renseigner à son adresse mais les voisins lui ont dit qu’ils avaient déménagé depuis trois mois et qu’ils n’ont pas dit où ils allaient. J’avoue que je m’inquiète depuis hier, expliqua-t-elle toujours inquiète

– Ah oui ? Mais et si Madina a envie de tourner le dos à sa famille ? Déjà elle ne voulait plus que Cheikh parle à Kiné alors dis-toi qu’elle ne veut pas qu’on la cherche c’est tout !

– Hun tu penses ?

– Mais oui, Madina est devenue tellement rancunière que plus rien ne me surprend venant d’elle !

– Ca doit être ça aussi, j’avoue que la dernière fois qu’on s’est parlé elle m’a dit qu’elle devait voyager avec son mari pour quelques temps après je n’ai plus eu de ses nouvelles…

– Tu vois alors ne t’inquiète pas ! Mais dis-moi comment est son mari avec elle ?

– Tu sais on ne s’est parlé que deux fois mais il a l’air de vraiment tenir à elle hein afin c’est l’impression qu’il m’a donné, répondit-elle

– Ah c’est bien mais je persiste à dire qu’elle n’aura plus jamais un homme qui l’aime comme Cheikh même si…

– Oui mais y a des couples qui s’aiment mais qui ne sont pas faits pour vivre ensemble Salma.

– Oui c’est vrai aussi !

– Voilà !

Nous discutons de tout autre chose avant qu’elle ne prenne congé…

Les années passent vite. Cela fait trois ans depuis la guérison de Cheikh, il est redevenu l’homme qu’on connaissait tous, joyeux, taquin mais il a beaucoup gagné en maturité. Un Cheikh propre en lui, un Cheikh qui dit qu’il n’a plus le temps pour les filles et seul son travail lui importait. Il s’est installé chez maman Kiné pour lui tenir compagnie et cette dernière allait beaucoup mieux.

Madina a refait surface mais elle n’envoie que des photos de Kiné par mail à son père, elle refuse toujours qu’il parle au téléphone à sa fille.

Aujourd’hui c’est dimanche nous passons la journée chez Maman Kiné avec Khalifa et Fatima

– Alors Cheikh tu ne penses pas qu’il soit temps pour toi de trouver une femme, tu te fais vieux, taquina Rachid

– Hiii bakhna ! Moi et les femmes kay c’est fini. Laissez-moi gérer mon entreprise mais mariage mom boumako kenn wakhati, répondit-il en souriant

– Mais il te faut une pour réchauffer ton lit la nuit, insista Rachid

– Ah donc femme sert à réchauffer lit ?! S’offusqua Fatima

– Pour le cas de Cheikh oui ! Mais vous, vous nous compléter sur tous les plans nak, rassura-t-il en faisant un clin d’œil à Oustaz

– Mo geunn déh ! C’est mieux pour toi, approuvai-je en donnant une tape à Fatima

– Mais sérieusement Cheikh pense à te trouver une femme, insista Khalifa

– Je n’aimerai plus comme j’ai aimé Madina alors je préfère prendre mon temps, dit-il d’un air tellement triste que ça  a fait mouiller mes yeux. La seule que j’ai aimée ! Ajouta-t-il avant de se lever pour sortir du salon

– Pauvre Cheikh, dit Fatima en essuyant une larme

– Mo yaw loy dioy, pourquoi tu pleures ? Demanda son mari

– J’ai pitié de lui rek ! répondit-elle triste

– Il est toujours amoureux de Madina même s’il le nie, le temps nous donnera raison, dit Khalifa pensif

Quelques jours après une migraine m’empêcher de travailler convenablement à la boutique je suis allée à la pharmacie d’à côté pour acheter un calment

– Bonjour Mme, une boite de Doliprane s’il vous plait, dis-je en m’adressant à la vendeuse

– Mme s’il vous plait je veux une pommade ou quelque chose qui peut calmer ma douleur je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, dit une voix derrière moi qui s’adressait à une autre vendeuse

– Madame mieux vaut aller voir un médecin ça peut être grave votre main est enflé et toute rouge qu’est-ce qui vous a fait ça ? Demanda la pharmacienne

– Je suis tombée en sortant de la salle de bain et j’ai voulu m’appuyer sur ma main mais c’était une mauvaise idée…

– La dernière fois que vous êtes passé vous avez dit que vous êtes tombés des escaliers et aujourd’hui c’est la salle de bain ? Madame je suis une femme mariée en plus et laissez-moi vous dire que la prochaine fois que vous tomberez vous finirez à la morgue ! Dénoncez votre mari jeune fille et retournez chez votre famille !!! Conseilla la dame

J’entendais la vendeuse me parlait Mais j’étais beaucoup plus concentrée sur cette fille qui me donnait le dos qu’à mon calmant. La jeune fille sort et presse la dernière phrase de la pharmacienne en courant presque…

– C’est toujours comme ça si ce n’est pas un œil enflé, c’est une main enflée. Je suis certaine que c’est son mari qui la maltraite !

– Vous la connaissez ? Demandai-je touchée

– Non mais c’est la troisième fois qu’elle vient ici. Je crois qu’elle n’habite pas loin, répondit la pharmacienne

Je sors ma carte et la tends à la femme

– S’il vous plaît la prochaine fois que vous la verrez, donnez-lui cette carte et dites-lui de me contacter je pourrai l’aider si elle vit une situation difficile, suppliai-je presque

– D’accord madame ne vous inquiétez je vais la garder ici !

– Merci !

Je prends mon sachet et quitte la pharmacie très mal. J’ai très mal pour cette femme et même sans la connaitre…

 

Cheikh Tidiane Bathily

 

Ces trois dernières années ont été difficile pour moi et pour ma famille. Je me souviens encore de ce jour où Madina est venue à la maison  pour que je lui signe ces fichues papiers, je me souviens avoir dit à ma famille de ne pas essayer de la retenir. En fait j’espérais que cet éloignement lui ouvrirait les yeux, qu’elle allait enfin savoir qu’elle ne peut pas vivre sans moi mais grande fût ma surprise quand j’ai appris qu’elle s’était mariée et pire elle a eu un gosse avec ce type. Je me suis alors résigné mais je n’arrivais pas à me sortir de mon alcoolisme.

Je sombrai de jour en jour voulant oublier ma peine, ma tristesse mais en réalité je ne faisais que mettre ma vie en danger en oubliant que seule la prière et ma Foi en Allah pouvait m’apaiser. Mais heureusement que Khalifa était là, il m’a aidé à guérir même si Fatima ne le laissait pas en paix il m’a assisté jusqu’à ce qu’il soit sûr que j’allais mieux avant de recommencer ses va et vient entre ses deux maisons.

Un an après mon arrivée à Gaya j’allais beaucoup mieux mais j’ai préféré rester encore pour me libérer mais aussi en profiter pour me rapprocher de Dieu. J’enseignais le Coran aux élèves de Oustaz le soir et le matin j’allais dans les champs aider les villageois à cultiver leurs terres. Je me sentais utile et apaisé. Ça m’a aussi permis de me purifier et de d’ôter de mon âme tout orgueil et fierté. Je me suis senti nul devant ses gens-là qui n’avaient pas grande chose mais ils étaient quand même heureux et très patients. J’ai su que je n’étais qu’un simple humain qui va aux toilettes comme tout le monde et j’ai deux jambes et une grosse tête alors je n’ai de plus que les autres à part des comptes en banque bien remplie mais ça, ça n’a aucune importance aux yeux du Créateur ce qui lui incombe c’est un cahier remplie de bonnes actions et un cœur saint ! Seul à Allah nous devons nous plaire mais pas à des pauvres humains comme nous ! J’ai compris et j’ai retenu la leçon !

Cependant je n’arrive pas à l’effacer de mon cœur, cette lumière qui a su canaliser mes émotions sans s’en rendre compte. Cette femme qui m’a terrifié par moment mais qui m’a apporté mais énormément de bonheur. Cette perle rare qui a su dompter ce cheval furieux sans trop d’effort, la première qui a fait tomber le tombeur. Est-ce un péché d’aimer une femme mariée ? Je prie de débarrasser de ce sentiment tout comme j’ai espoir qu’elle finira par se rendre compte de son erreur et revenir vers moi même si elle l’a laissé son mari lui faire un gosse vous vous rendez compte ? Elle a eu un autre enfant mais avec un autre mec ? Aïe comme ça fait ce que je ressens en pensant à ça !

Ce soir, je suis invité avec Rachid à une soirée de Gala au King Fahd Palace. Je ne voulais pas y aller mais Salma a fini par me convaincre alors j’attends qu’ils passent me prendre. J’ai déjà fini de m’habiller, je suis dans le salon en train de discuter avec ma maman

– Cheikh je fais des rêves trop bizarres sur ma petite princesse, dit maman

– Quelle princesse et quel genre de rêve ?

– Je parle de Kiné. Dans mon rêve elle est tout le temps triste et je ne vois jamais sa mère. Ce matin après la prière j’ai vu qu’elle était tombée dans un trou noir et vraiment ça m’inquiète je sens qu’elle ne va pas bien mais du tout ! Dit-elle triste

– Ah maman hier Madina m’a encore envoyé des photos et elle avait l’air de bien se porter. C’est peut-être que tu penses trop à elle que tu fais ces rêves ?

– Peut-être que c’est ça aussi.

Je vois Rachid et Salma se dirigeaient vers nous sourire aux lèvres.

– Les amoureux, dis-je pour les saluer

– Alors tu es prêt ? Nous sommes en retard là ! Sortit Rachid après avoir salué maman

– Oui depuis longtemps !

Nous sommes arrivés quelques minutes après, on nous dirige à notre table mais y avait déjà un couple.

– Tu as intérêt à bien te tenir sinon tu sais ce qui t’attend ! Entendis-je en s’avançant vers la table

Le gars met en garde sa femme comme ça alors pourquoi l’avoir amené avec lui ? Un jaloux !

– Bonsoir, salua Rachid en tirant une chaise à sa femme

Je m’assois à mon tour tirant un prospectus posé sur la table. Je n’avais pas envie de voir la tête de ce con qui gueuler sa femme

– Madina ?

Je lève la tête et vois Madina en face de moi. Traits tirés dans une robe tellement décolletée que j’en avais la nausée. On dirait même qu’elle s’est éclaircie la peau en plus elle avait un tissage sur elle. Et le voile ? Elle paraissait gênée et avait la tête baissée…

– Qu’est-ce qu’il y a vous voulez manger ma femme ou quoi pourquoi vous la regarder comme ça ? S’énerva ce crétin

– Nous sommes juste surprise de la voir on croyait qu’elle était encore aux USA c’est tout, répondit Rachid sur le même ton

– Nous sommes là et qu’est-ce que ça peut vous faire ? Cria-t-il encore

– Effectivement et on n’en a rien à foutre ! Appuya encore Rachid

– Si, moi je veux voir ma fille Madina, dis-je en la regardant

– Vous n’avez rien à exiger vous verrez votre fille quand je le déciderai, gueula encore cette tête de cornichon

– Tu as menti mon gars ! Madina je veux ma fille demain ou je te retire sa garde !

– On verra !

– S’il te plaît Cheikh, tenta Madina

– La ferme !!! Mounan s’il te plaît ! Dit son mari entre ses dents

Je regarde Madina choqué, elle qui ne mâchait jamais ses mots, elle est la tête baissée en train de trembler comme une vulgaire chose

– Apprenez à parler à votre, lançai-je hors de moi

– Mêlez-vous ce qui vous regarde mon cher vous la baisiez avant maintenant c’est moi qui la baise alors, ne vous en mêlez pas ! Cracha-t-il arrogant

Mon Dieu, je ne me contenais plus je voulais lui lancer mon poing mais Rachid me tenait fermement le bras Je tremblais de tout mon corps no ki faut ma nok ko ! Faut que je lui casse la gueule ! Incapable de me calmer je décide de quitter la fête et rentrer chez moi en taxi. Je ne pouvais plus supporter de voir Madina humiliée par ce sale crétin…

Ma tekk ko fi nank ba koor bi dial. Bisous à tout le monde !

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