Entre feu et passion – Partie 02
Le taxi venait de se garer devant la maison, une jeune femme en sortit. Ça se voyait qu’elle avait du mal à se tenir debout. Elle enleva ses hauts talons et s’avança à petit pas vers la porte d’entrée.
Il était 07 heures passé ce dimanche matin. La jeune femme réussit a passé le salon sans faire de bruit. Toujours sur la pointe des pieds, elle arpenta le couloir qui menait à sa chambre toujours sans aucun bruit. Elle resta 5 secondes devant sa chambre pour reprendre son souffle. Puis, elle ouvrit lentement la porte et là… elle laissa tomber ses chaussures, incapable de faire un mouvement de plus. Son père, sa mère et ses trois frères étaient tous assis sur son lit
– Je me demande encore qu’est-ce que j’ai pu faire au bon Dieu pour avoir une fille pareille ! Hadjara tu veux ma mort c’est ça ? Dit le père de famille la voix tremblante de colère
– J’ai dormi chez Amy, papa ! Je te jure…
– Tu pues l’alcool Hadjara ! Feula-t-il. Qu’est-ce qui t’a manqué dis-moi ma fille ? Tu es née dans une bonne famille. Ta mère et moi nous nous sommes sacrifiés pour que vous ne manquiez de rien ! Je t’ai mise dans les meilleures écoles de ce pays ! J’ai dépensé des sommes faramineuses quand tu voulais coûte que coûte passer les vacances en colonie hors du pays ! Je t’ai aimée plus que les autres, je t’ai chérie plus que les autres. Je t’ai mise au-dessus de tout le monde dans cette maison. Je t’ai donné le nom de Hadjara, l’épouse du prophète Ibrahim Aleyhi Salam et de ma mère Salma. Tu es… tu étais la prunelle de mes yeux mais regarde ce que tu es devenue, une vulgaire alcoolique qui fugue pour ne revenir qu’au petit matin. Mane lane la def sama borom la beugeu xam ! Salma bett nga ma ! Tu es en train de me foutre la honte dans ce quartier. Ce matin on m’a chassé de la mosquée parce qu’il parait que tu es devenue une prostituée, tu couches avec qui tu veux…
– C’est faux papa ! Tenta-t-elle
– La ferme !!! Hurla l’aîné de la famille Tidiane. Tu l’ouvres encore je te casse la gueule !
– Tu crois qu’on mérite cette humiliation qu’on est en train de subir dans ce quartier. Voilà 25 années que nous habitions ici et 15 ans que ton père est l’imam de la mosquée du quartier, personne n’a jamais mis en doute sa piété et sa rigueur quand il s’agit de l’éducation de ses enfants ! Il a été chassé de la mosquée parce que les fidèles ne veulent plus que le père de la petite prostituée du quartier dirige la prière ! Seuy rek la xam, seuy rek la def Ya’Allah dima diokh dom diou melni yaw ! Yaye Kassara Salma ! Tu es maudite ! Cassez bien la gueule et après foutez là dehors ! Cria cette fois la mère
Ses frères lui firent passer un très mauvais quart d’heure avant de la sortir hors de la maison.
Abdou Majib Siby resta des heures à pleurer sur son lit. C’était tout ce qu’il ne voulait pas faire mais il n’avait pas le choix, s’efforça-t-il de croire.
Depuis ses 16 ans Salma avait pris un autre chemin. Elle avait pour habitude de faire des petites fugues jusqu’à ce que le voisinage alerte le père de famille. C’est là qu’il a su que Salma traînait avec une bande du quartier. Cette dernière n’avait pas une bonne réputation, les jeunes se droguaient, fumaient et buvaient de l’alcool.
Papa Majib a tout fait pour récupérer sa fille mais rien, Salma était déjà accro à ses substances. Elle a été internée plusieurs fois à l’hôpital Fann pour une désintoxication mais elle réussissait toujours à s’échapper. Quant à sa mère Nafissatou Dramé, elle dépensait tout son argent chez les marabouts pour faire revenir sa fille dans le droit chemin, s’apercevant très tard qu’elle ne faisait que gaspiller son argent, elle se réfugie dans la prière mais rien. Sa fille ne daignait toujours pas retrouver le droit chemin.
Salma a aujourd’hui 20 ans de plus que jamais. Elle habite chez sa copine Raky qui tient un luxueux appart dans les chics quartiers des Almadies payé par un de ses nombreux mbarane. Ce matin encore, elle était sur son tapis de prière après avoir passé la nuit entre les soirées mondaines.
– Bilay Salma khawma lo bokou ak Ibliss ? Tu crois que Dieu va t’écouter après tout ce que tu as fait cette nuit ? Il faut vraiment être naïf pour le croire ! Dit Raky voyant Salma prier
– Je prie chaque jour pour qu’Allah me sauve Raky ! Raky, je suis persuadée que je peux être meilleure, cette vie n’est pas pour moi ! Je veux changer mais je ne peux pas… je suis trop accro à ça ! Fit-elle désignant le sachet de poudre blanche sur le chevet
Raky lève les yeux au ciel avant de changer de sujet
– Tu as eu combien hier soir avec Leyti ?
– Il m’a donné 500.000 Fcfa après la soirée, répondit-elle dégoûtée
– Khana vous êtes passés à l’hôtel ?
– Oui…
– Dieu merci…
– Pas si vite ! Je lui ai juste fait une petite gâterie, rien de plus ! Coupa-t-elle énervée
– Tchim reste ici pour jouer à la petite sainte rek ! De toutes les façons, quelqu’un finira bien par ouvrir la boîte de lait !
– Et ça sera mon mari In Shaa Allah !!!
– Bon Dieu qu’est-ce que tu peux être sotte Salma ! Qui va nous épouser avec cette réputation de “garce” qu’on a ? Quel homme normal accepterait de nous épouser ? Tu penses que la vie est aussi facile ? Ouvre bien les yeux et regarde ce qui se passe autour de nous. Les hommes qui nous fréquentent ont leurs épouses chez eux, ils ne font que nous utiliser pour des fantasmes qu’ils ne penseront jamais essayer avec leurs saintes femmes. Ils dépensent des millions juste pour une nuit mais jamais, ils ne vont jamais nous considérer comme des femmes »épousables » même s’ils le font un jour, jamais ils ne nous respecteront ! Salma thiaga bi niouy degue tay, dina niou dégue ba kérok niouy sango souf nakh Thiaga la wone lanouy dégue ! Nous serons toujours appelées »pute » jusqu’à notre mort et on deviendra »ancienne pute » Contrairement à toi, moi j’en ai rien à foutre de ce que pense les gens de moi. J’assume ce que je fais et je ne rends compte à personne, c’est ce que tu devrais faire !!! Conseilla l’amie
– C’est facile pour toi de dire ça parce que tu sais même plus on se trouve ta famille Raky. Moi je suis issue d’une famille conservatrice, musulmane et pratiquante ! Je suis la fille de l’imam de la mosquée de Mermoz ! Je suis la fille de la présidente des femmes musulmanes de Mermoz ! J’ai été à l’école coranique et je sais très bien que si je meurs aujourd’hui, je n’humerai pas l’odeur du Paradis. Je n’ai pas le droit de faire ça à mes parents… mane warou ma bonne nakh ay gorr pire nioma diour Raky ! Cria-t-elle les larmes aux yeux
– Oui tu as sûrement raison Salma ! Mais moi, mes parents m’ont laissée à la merci de la rue depuis mes 10 ans. J’ai été violée par les mécaniciens du garage où travaillait ma mère comme vendeuse dans une gargote. Un matin, ma maman m’a demandé d’aller apporter une commande aux mécaniciens et deux d’entre eux en ont profité pour me violer. J’ai compris plus tard que c’est ma propre mère qui m’avait vendue pour une modique somme de 5.000 Fcfa !!! Narra-t-elle les larmes aux yeux
– Oh mon Dieu, Raky !
– Je ne pardonnerai jamais à cette femme ! Jamais !
Elle sortit de la chambre en courant. Salma se coucha sur son tapis choquée par ce qu’elle venait d’entendre
Le soir encore, elle se fit toute belle et accompagna cette fois un monsieur du nom de Kader à une soirée. Salma portait une mini robe rouge avec des sandales à talons dorées. Elle était à couper le souffle…
Salma n’était pas très consciente de sa beauté mais elle adore suivre la mode. Perchée sur ses hauts talons, on pourrait jurer qu’elle est l’égérie d’une marque de beauté tellement son image renvoie aux belles femmes sur les affiches publicitaires sur qui certains hommes fantasment. Papa Majib avait pour habitude de dire que la beauté de Salma réside dans son cœur ce qui fait qu’on ne peut la regarder sans ressentir une bouffée d’air frais. Son visage rayonnant de bonté et son sourire éclatant faisaient qu’on la regardait plus d’une fois.
Un jeune homme qui rodait depuis tout à l’heure au tour d’elle, l’intercepte
– Bonsoir mademoiselle. Excusez-moi mais vous n’êtes pas à votre place. Je vous regarde tout à l’heure mais vous dégagez une lumière invisible, je ne sais pas… Il y a quelque chose de spécial en vous que je ne saurai dire. Vous êtes mariée ? Sortit le jeune homme éblouit
– Sa bissap mo wara saf soukeur khamna, plaisante Salma en riant (On dirait que vous êtes ivre)
– Je suis plus lucide que vous, salaw ! Je ne dis que ce que je vois. Qu’Allah vous montre le chemin de la vérité et j’en ai espoir ! Salam
Le jeune homme disparaît laissant Salma complètement sonnée. Mais d’où est-ce qu’il me connaît ? Ne cessait-elle de se poser.
A la fin de la soirée, Salma sortit de la salle main dans la main avec Kader avec qui elle comptait passer un peu temps avant d’aller à l’anniversaire de Raky
– Décidément néké yaw desséto ndokhou beut ! Tu ne crains plus rien ! Entendit-elle, derrière elle
Elle se tourna et fit fasse à son frère Tidiane et sa femme Coumba.
– Ne fait pas de scandale ici Tidiane, je t’en supplie, chuchota Coumba tentant de calmer son mari
– Yaw ladioumala ! La ferme ! Ce n’est pas à toi de me dire ce que je dois faire, compris ?!
Il se tourna vers sa sœur et lui donna une sacrée gifle
– Combien on t’a payé ! Cria-t-il en empoignant le bras de Salma
– Bon Salma on se voit demain. J’ai d’autres choses à faire ! Lança Kader avant de s’en aller
– Tidiane, tu me fais mal. Laisse-moi s’il te plait ! Supplia-t-elle pleurant de plus belle
Coumba n’osait pas intervenir et implorait en silence Salma de se taire
– Thiaga kharamata ndiaye binga done ! Ya dioudou ci guélem nampe ci mbam ! Tu n’es qu’une garce, une pute de rien du tout ! Qu’Allah te maudisse et qu’il te paye toute la souffrance que tu es en train d’infliger aux parents ! Cracha-t-il vénère
Salma courut vers la rue en pleurs. Elle sauta sur le premier taxi et pleura toutes ses larmes une fois à l’intérieur. Elle se calma petit à petit, bercée par la voix du taximan qui récite la sourate Az-Zummar.
Salma porta toute son attention sur lui et récita avec lui les versets…
– Dis: «Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah. Car Allah pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux.
– Tu n’es pas mauvaise ma fille, tu es juste perdue ! Raisonna la voix du vieux taximan
– Je suis mauvaise puisque je fais tout ce qu’Allah interdit ! Je suis mauvaise parce que je fais souffrir mes parents ! Je suis mauvaise parce que je ne prie que quand ça me chante…
– Mais tu te rappelles d’Allah. Tu sais qu’Il existe et qu’Il te regarde. Tu ne pries pas régulièrement mais tu as tout le temps ses plus beaux noms sur ta bouche. Tu pries sur le Bien-Aimé Sallalah ‘Aleyhi wa Salam et tu as un cœur en or, confessa encore le monsieur
– Comment tu sais ça… tu ne me connais pas !
Le vieux taximan ne dit rien. Il se contentait de regarder Salma par le rétroviseur.
La voiture s’arrêta devant l’immeuble où elle habite. Salma sursauta encore et leva sa tête pour parler au taximan
– Je ne t’ai pas dit où j’habite ! Qui es-tu ?
– Tends tes mains pour que je puisse prier pour toi Salma !
Il se mit à prier en arabe. Salma ne comprenait pas ce que ce vieil homme disait mais elle se contentait de dire amine. Ses larmes se mirent à couler toute seule. Cet instant paraît irréel, elle a l’impression d’être dans un rêve et elle ne voulait pas se réveiller. Elle sentit un souffle chaud sur son visage, elle comprit que la séance de prière était terminée.
– Allez-y et ne craignez rien !
Salma sortit de la voiture le cœur un peu plus léger mais elle voulait parler à son père. Elle voulait entendre sa voix et lui demander encore pardon. Les mots de Tidiane lui ont transpercé le cœur, elle s’en voulait mais énormément. Elle rejoignit Raky qui se préparait dans le salon
– Salma qu’est-ce qu’il y a ? On dirait que tu as vu un fantôme. Que se passe-t-il ?
– Rien Raky, j’ai juste envie de me défoncer pour calmer cette douleur ! Fit-elle désignant son cœur
– Massa ma chérie ! Avant de te défoncer, je te rappelle que c’est mon anniversaire aujourd’hui et tu m’avais promis de m’accompagner, dit-elle en se mettant devant elle
– Je n’ai pas oublié. Je vais me rafraîchir le visage et je reviens !
Elle entra dans sa chambre et sortit son portable de son sac. Elle hésita longtemps avant de composer le numéro de son père il était minuit passé mais papa Majib décrocha quand même
– Bissimillah ! Fit-il l’air inquiet
– Papa, c’est Salma ! Papa, tu sais que je ne suis pas mauvaise. J’essaie, j’essaie de me reprendre mais c’est impossible papa, je suis trop accro à ces pourritures. Papa, prie pour moi s’il te plait. Prie qu’Allah me remette sur le droit chemin, prie qu’Allah me pardonne pour la souffrance que je vous inflige. Papa pardonne-moi, demande à maman de me pardonner. Je t’aime papa, je t’aime énormément ! Confia-t-elle avant de raccrocher doucement
Pour se soulager, elle rejoignit Raky au salon et ensemble elles prirent le chemin de la sortie.
Ce n’est que vers 05 heures du matin qu’elle daigna sortir de la boîte de nuit. Elle était ivre morte ça inutile de le dire. Ne sachant plus ce qui se passait autour d’elle. Elle réussit à traverser la première voie en titubant bien sûr. Arrivée au milieu de la deuxième voie, Salma se mit à danser.
Elle ne sentit pas la voiture derrière elle, elle continua à danser et chanter la voix cassée. Elle se tourna et vit la voiture, elle n’eut pas le temps de réagir. Les deux vigiles de la boîte de nuit où elle est sortie sont alertés par le bruit du choc. Ils se précipitèrent sur les lieux pour voir les dégâts…