Merveilles de Femme

Histoires africaines

L'amour ne se commande pas

L’amour ne se commande pas – Partie 02

Je me suis réveillée le corps engourdi et la gorge terriblement sèche. Je constatai avec difficulté que je respirai grâce à une machine et que j’avais des fils partout sur le corps. Je ne pouvais pas bouger pour appeler de l’aide alors je refermai les yeux pour tenter de me souvenir de ce qui s’était passé.

– Oh vous vous êtes réveillée Mme Kane ? Vous vous sentez bien ? Dit une voix masculine en entrant dans la pièce

– Qu’est-ce que je fais là monsieur ? Demandai-je au toubib devant moi

– Euh vous ne vous souvenez de rien ?

– Si, j’étais en train de parler à ma mère quand elle me chassait de sa maison me demandant de me battre pour m’en sortir mais maman elle est morte depuis six ans ! Je crois que je suis devenue folle, c’est ça docteur ? Dis-je paniquée

– Ne vous inquiétez pas Mme, les souvenirs vont vous revenir seulement il faudra du temps. Sinon vous avez mal quelque part ?

– Je sens une petite douleur au niveau de mon ventre sinon ça va !

– D’accord reposez-vous encore parce que vous nous venez de très loin ! Je vais vous donner un tranquillisant pour vous aider à reprendre vos esprits !

Je me suis endormie quelques minutes après et je revis l’horrible trahison que j’ai vécue. Mon rêve commence le jour où j’ai rencontré Demba en sortant de l’université avec Fama Sow, on était en train d’attendre le bus quand il nous a gentiment proposé de nous déposer chez nous.

J’étais réticente mais ma meilleure amie m’avait carrément poussée à l’intérieur de sa magnifique voiture. J’étais très gênée de monter dans la voiture d’un inconnu et Fama tenait une conversation super animée avec Demba comme s’ils se connaissaient depuis des lurettes.

Petit à petit s’était devenu notre petite routine, il passait nous prendre tous les mercredis. J’étais étudiante en troisième année de management. Le rythme était infernal mais je tenais bon grâce aux encouragements de maman qui tenait beaucoup à mes études et depuis toute petite. Pourtant elle n’est pas ma mère biologique, elle l’avait accueillie ma véritable mère quand elle s’est faite chassée de chez elle parce qu’elle était tombée enceinte à 15 ans et c’était inconcevable pour ses parents de garder une fille enceinte chez eux et son père a été radical. Maman l’avait trouvé un matin devant sa porte en train de dormir et c’est ainsi qu’elle l’a accueillie chez elle jusqu’à son accouchement.

Seulement elle a dû partir quelques mois après ma naissance pour chercher du travail promettant à maman qu’elle reviendrait mais après quelques visites, elle n’a plus donné de nouvelles. Alors pour moi je n’ai qu’une seule mère et c’est Hafiza Najadine une tchadienne qui s’était réfugiée au Sénégal après avoir perdue toute sa famille dans un incendie commandité par l’ancien régime pour faire payer à son père ses attaques contre le pouvoir.

Son père était un leader incontesté de l’opposition tchadienne de l’époque. Maman avait eu de la chance même si elle disait préférer mourir avec sa famille pour ne pas ressentir la douleur d’être orpheline, elle avait passé la nuit chez une de ses amies et ce n’est qu’au lendemain qu’elle a su pour l’accident. Elle en avait terriblement souffert, c’est quelques mois après qu’elle est venue s’installer à Dakar avec sa copine pour terminer leurs études payés par l’ami de son père qui l’avait recueillie chez elle mais aussi fuir les ennemies de son père qui ne voulaient que sa tête. Elle n’a jamais voulu repartir et avait préféré rester à Dakar et c’est comme ça qu’elle est devenue sénégalaise à part entière.

Elle m’a élevée comme sa fille qu’elle n’a jamais eue. Elle était mariée à un sénégalais mais comme elle était déclarée stérile, le salaud a préféré l’abandonner pour une autre et depuis elle refusait tout contact avec les hommes. Elle était haut fonctionnaire au ministère des affaires étrangères et elle gagnait bien sa vie.

A mes 23 ans alors que je venais de finir le dîner, je l’ai appelé pour manger, elle m’a dit qu’elle ne se sentait pas bien. J’étais allée lui tenir compagnie mais elle me regardait bizarrement.

– Tamara tu sais que je t’ai aimé comme si tu étais sortie de mes entrailles. Tu as été ma seule famille dans ce pays et je sais aussi que tu m’aimes comme je t’aime. Ta mère m’avait dit en partant tôt ou tard qu’elle reviendrait, dis juste à ma fille que je n’ai même pas 100 Fr pour lui acheter du lait et que je suis partie me battre pour elle, In Shaa Allah à mon retour elle ne manquera de rien. Elle était certes jeune mais elle avait la rage de s’en sortir seule. Elle était déterminée. Elle passait te voir tous les mois et amenait avec elle la moitié de son salaire pour tes besoins. Seulement un jour elle est venue me dire qu’elle partait à l’étranger avec ses patrons et depuis plus de nouvelles d’elle mais mon coeur me dit qu’elle reviendra comme elle me l’avait promis. Dans ce coffre-fort se trouve les papiers de ma maison et ils sont à ton nom, il y a aussi de l’argent et une carte bancaire qui contient aussi beaucoup d’argent. Ne touche pas l’argent à la banque tu en auras besoin un jour de toute façon le compte est bloqué jusqu’à tes 25 ans. Ne te précipite pas tu n’auras que ce que Dieu t’a réservé. Ouvre bien tes yeux ma chérie, tu es très naïve, ceux que tu vois aujourd’hui comme tes amis peuvent être demain tes pires ennemis. Garde tes principes et que personne ne te fasse dévier du chemin que tu as pris. Gardes foi en Dieu tei lou meuneu khew nanga khamni mom la nekh (Sache que tout ce qui se passera est tout d’abord sa volonté) Ne laisse jamais tes ennemies rire de tes malheurs et reste digne dans la douleur. J’ai acheté trois sacs de riz, de l’huile, deux sacs d’oignons et d’autres condiments. Des gens viendront t’amener des choses que j’avais commandé, demain la maison sera pleine à craquer, qu’ils mangent à leur faim et boivent à leur soif. Quand tu viendras me réveiller à Fajr appelle Tata Sokhna elle saura quoi faire. Le matin, Oustaz Muhammad Bah et ses disciples viendront réciter le coran fais  partie du groupe qui le récitera, après que le Wazifa se fasse à la mosquée. Le soir après avoir distribué le tiéré (couscous) que rien d’autres ne s’en suit. Une journée seule suffit sinon ça ne sera que du xawaré (des noces) et je ne veux pas de ça !

– Mais yaye que va-t-il se passer demain? Demandai-je confuse

– Soubala beussou deugeu gui ! (Demain sera le jour de la vérité !) J’aurai des invités demain alors fais en sorte qu’ils soient bien traités !

– D’accord yaye ! Bonne nuit et à demain !

– Soit forte mon amour et ne pleure surtout pas !

– Maman mais de quoi tu parles ?

– Nassiril ‘Aqq, ‘Aqq bil ‘Aqqi (Vérité sur la Vérité). Dit-elle avec un clin d’œil qui me fit éclater de rire

– Voilà c’est ce que je veux, sois en paix mon enfant ! Je t’aime de toute mon âme

– Moi aussi maman ! Dors bien !

Je sortis de sa chambre mais bizarrement je n’arrivais pas à dormir. Je ne me sentais pas bien et j’avais le coeur gonflé. Je me suis levée pour aller voir maman mais elle était en train de lire le coran, elle m’avait juste souri. Je suis sortie de chambre avant d’aller faire comme elle.

Je n’avais pas fermé l’œil jusqu’au premier appel du muezzin. Je suis entrée de la chambre de maman pour la réveiller, c’était tous les jours le contraire, c’est elle qui me réveillait le matin chaque jour. La chambre était toute froide et je la regardai dormir en souriant. Je posais ma main sur son front mais elle était froide comme de la glace. Elle était couverte d’un drap blanc et le coran dans sa main droite. Je venais de comprendre ses recommandations, pour en être sûre, j’ai levé sa main et la laisse tomber ? Oui elle était partie ma mère sur la pointe des pieds…

– Innalillahi wa inna ‘Ileyhi Radj’oune ! A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons ! Soufflai-je laissant tomber mes larmes. Je pleure un bon coup avant d’aller appeler la voisine.

Je l’ai aidé à la préparer comme elle le voulait dans le soutoura (intimité) la plus totale. Et la suite c’est l’imam qui s’en est chargé.

C’était douloureux mais jusqu’au moment où je vous parle je n’ai pas versé de  larmes juste quand j’étais seule avec elle dans sa chambre.
J’ai fait toutes les recommandations comme elle m’avait demandé. Et je ne pouvais qu’être fière de moi. Dieu, que c’est dur de perdre un être cher !

Six mois après, Demba m’a demandé en mariage, je venais d’avoir 24 ans, je travaillais dans une grosse boîte de la place, j’avais un très bon poste et un bon salaire. Je l’aimais tellement mais je me disais que c’était tôt et maman ne l’appréciait pas du tout, lui et Fama. Fama m’a convaincue que c’était la meilleure décision à prendre puisqu’on s’aimer. J’ai alors accepté.

Il est venu s’installer à la maison et un an après, il m’a convaincue de faire venir vivre sa soeur pour qu’elle m’aide pour l’entretien de la maison. Entre temps j’avais mis deux niveaux de plus avec l’argent du compte d’épargne que maman avait bloqué et les avais mis en location pour nous permettre de nous en sortir.

L’argent de la location était géré par mon mari, ne me demandait pas ce qu’il l’a fait avec cet argent, moi-même j’en ai aucune idée. Je préparais en même temps mon master et je n’avais pas trop de temps pour mon mari ce qui créa beaucoup de tensions entre nous jusqu’à ce qu’il s’en prenne à moi.

Ce jour, je suis rentrée vers 22 heures.
Imaginez la main d’un homme sur une femme. Il m’avait giflé tellement fort que je suis tombée sur lit. Dolé gorr khadioul ci benn djiguenn (Aucune femme ne peut supporter le poids d’un homme) Vous ressentez ce que vivent les femmes battues ? Non ! Seule la concernée peut sentir cette douleur. Oui, on peut supporter les coups de nos parents parce qu’ils sont nos parents mais la main d’un mari sur la joue de sa femme ? Son coup de poing en plein visage. Ay comme ça fait mal ! Il m’avait battue comme une chienne avant de me forcer à coucher avec lui

– Mo khana do rouss seugeu sissa diabar dorr bamou beugeu déh, nga seugatt ci di ko sakou ! (Tu n’as pas honte après avoir tabassé ta femme à mort, tu te courbes sur elle pour la violer ?) Avais-je crié en pleurant

– Tay lalay wonne ni gorr la ! (Je vais te montrer que je suis un homme !) Pesta-t-il

– Gorr kenn douko bako, danga koy dieufei nou guiss ! (On se vante pas d’être un homme, c’est un comportement !)

Je lui avais demandé de quitter ma maison cette nuit mais il a refusé. Je vivais menace sur menace jusqu’à ce que j’accepte d’arrêter de travailler. Il a vendu ma voiture sans mon consentement et avait fait venir toute sa famille chez moi. Je n’avais pas mon mot à dire parce que tout simplement je voulais moi aussi mourir dans mon ménage. Je me suis dit que c’était trop facile tout ça mais il n’entendait pas.

Je me plaignais à Fama, elle et sa mère me demandaient de supporter et de le comprendre qu’il était frustré car il n’arrivait pas trouver du travail alors que monsieur avait tout simplement préféré démissionner de son travail parce qu’il vivait de mon argent.

Quelques mois après je l’ai surpris sur ma bonne et c’est après qu’il a épousé Fama.
Après le mariage, j’étais devenue la bonne à tout faire de la maison. C’est moi qui faisais le ménage, les repas, la lessive et tout ce qui s’en suit sinon j’allais passer mes nuits dehors.

Je n’avais pas de parents dans ce monde ni aucun sous pour quitter la maison j’avais commis l’erreur de débloquer le compte et il ne me restait plus que 500.000fr sur mon autre compte et je l’épargnais pour mon accouchement, vu que le père de mon enfant avait tout simplement décidé de ne plus s’occuper de moi. Alors je prenais mon mal en patience.

Demba m’avait effrontément menti, il m’avait épousé pour mettre la main sur la maison avec la complicité de Fama. Je ne me suis même pas attardée sur cette mascarade je me suis focalisée plutôt sur ma grossesse.

Mon Dieu ma grossesse ! Je me suis encore réveillée en me souvenant de tout mais simplement je n’avais plus de ventre. Où est passé mon enfant ?

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