AICHA F.I. 1 : AICHA
« Tu es l’aînée, Aicha, tu es l’aînée et, tout comme les parents ne choisissent pas leurs enfants, l’aînée ne choisit pas ses cadets. Elle les aime et les protège malgré tout… »
Cette phrase de mon père résonnait dans ma tête chaque fois que je me sentais au bord du gouffre dans ma relation avec ma sœur Adja. Cela pourrait également expliquer pourquoi je la surprotégeais depuis la disparition de nos parents. Elle m’en voulait pour mon attitude, j’en étais consciente, et c’était pour cela qu’elle s’était tant renfermée ces dernières années, me faisant presque oublier combien elle m’adorait quand nous étions jeunes. J’étais son modèle, elle aspirait à être comme moi. Elle me suivait partout, et en retour, je la dorlotais et prenais soin d’elle comme si elle était ma poupée.
L’avais-je trop gâtée ? Il semble que oui !
Avant sa grossesse, elle ne gardait jamais un travail plus d’un mois. Son manque de revenu ne la préoccupait pas, car elle savait que je serais là pour pourvoir à ses besoins, l’habiller et lui fournir de l’argent de poche. Toutefois, elle a fini par me reprocher de ne pas la soutenir dans sa quête d’autonomie. Elle m’accusait de me réjouir de ses échecs, ce qui me donnait l’occasion de continuer à subvenir à ses besoins et de garder une emprise sur elle.
Elle a commencé à côtoyer des individus que je ne pouvais pas cautionner, en particulier Seydou, qui est l’exemple même de la personne à éviter. Finalement, elle s’est retrouvée enceinte contre son gré et ce dernier a refusé de reconnaître l’enfant. Et comme d’habitude avec Adja Lilly, même avec ça, j’étais encore et toujours l’unique responsable de ses malheurs.
Il y avait des moments où j’étais à deux doigts de renoncer, surtout lorsqu’elle se moquait de moi en disant que j’allais cesser de la voir comme une enfant car « l’enfant portait à présent un enfant » ! Durant ces instants, je brûlais d’envie de lui dire de prendre ses responsabilités et de se débrouiller seule, afin qu’elle gagne enfin son indépendance et se détache de « mes chaînes ».
Mais c’est également à ces moments-là que les conseils de mon père me revenaient sans cesse à l’esprit, me poussant à ignorer tout le reste et à tolérer une fois de plus son impolitesse, ses changements d’humeur, ses caprices, et par-dessus tout, le mélodrame entourant sa grossesse…
La naissance de ma nièce m’a convaincue que mes efforts n’étaient pas vains, Moumi Bâ Diallo était devenue la prunelle de mes yeux… Devenir mère a aussi considérablement changé sa vie. Cela lui a permis de se concentrer sur autre chose que sur elle-même et de trouver sa véritable voie. Elle apprenait progressivement à prendre ses responsabilités, à être ambitieuse et, vraiment, elle s’efforçait de se donner les moyens de réussir.
Actuellement, elle suit une formation pour devenir secrétaire médicale tout en travaillant comme femme de ménage dans une agence spécialisée dans l’entretien de villas et d’appartements de luxe, propriétés de riches qui résident rarement au Sénégal. C’était un emploi relativement bien rémunéré, alors elle finançait ses études par elle-même. J’étais fière d’elle, même si je m’abstenais de le lui dire pour éviter qu’elle ne pense que je me comportais de manière condescendante. Les relations avec les petites sœurs sont compliquées, ahh !
Elle voulait me prouver tellement de choses qu’elle évitait consciencieusement de s’appuyer sur moi en cas de problème mais il y avait des jours où elle n’avait vraiment pas le choix. Et c’est le cas aujourd’hui.
Elle avait attrapé la grippe après avoir été surprise par la pluie l’avant-veille au soir en revenant de son école de formation. À peine capable de se tenir debout, elle ne pouvait cependant pas se permettre de prendre un jour de maladie, ayant déjà épuisé tous les jours de congé autorisés par son contrat. Elle m’a donc demandé de la remplacer pour nettoyer l’appartement d’un monsieur qui y réside rarement. À contrecœur, je le sentais bien car j’étais la seule personne disponible.
Je connaissais les conséquences si elle perdait cet emploi, et je dois admettre que je n’avais pas envie de subir ses crises de frustration en cas d’un nouvel échec. J’ai donc choisi d’y aller, même si ses recommandations incessantes commençaient à m’énerver.
- Aïcha, s’il te plaît, fais en sorte de ne pas être reconnue. Ils me renverront immédiatement s’ils découvrent que tu es allée là-bas à ma place.
- Tu as fini là ? grognais-je
- Je te connais, dès qu’on ne parle plus de mathématiques, ta concentration est aux abonnés
absents - Si tu as si peu confiance, tu devrais peut-être les appeler et prétexter un motif d’urgence,
soupirai-je - Tu sais bien que j’ai déjà utilisé les deux jours d’arrêt exceptionnel auxquels j’ai droit dans le
mois pour Moumi, hein, expliqua-t-elle avec l’audace de paraitre agacée
Ah, Moumi, c’est grâce à elle que je ne craquais pas face à cette insolente ! La grossesse de ma sœur a été une défaite pour moi, car elle semblait justifier les craintes de mes oncles. Ils n’avaient jamais approuvé que mon père laisse ses filles poursuivre leurs études à Dakar, convaincus qu’elles finiraient par se dévergonder. Après le décès de mes parents, ils ont tout tenté pour me prendre sous leur aile, mais j’ai refusé catégoriquement et ma petite sœur m’a rejointe dès qu’elle a obtenu son baccalauréat.
Adja avait certes commis une erreur, mais nous l’avions assumée ensemble. Lorsque j’ai pris son merveilleux bébé dans mes bras, j’ai oublié toutes les injures que j’avais subies. Cette enfant était une véritable bénédiction. Elle méritait que je soutienne sa mère pour conserver son emploi, afin qu’elle puisse enfin réaliser ses projets. Et pour une fois, elle était vraiment motivée et sur le point d’atteindre son objectif.
Après avoir reçu les dernières recommandations, je saisis enfin mes clés de voiture et partis vers le centre-ville où se situait l’appartement de M. Kebe. À mon avis, c’était un vieux monsieur trop riche qui avait probablement oublié qu’il possédait un bien immobilier à Dakar. Selon Adja, il s’acquittait des frais nécessaires pour l’entretien hebdomadaire de son superbe loft, bien qu’il n’y ait pas séjourné depuis plus d’un an.
J’avais pris soin d’apprendre par cœur les différents codes d’accès de l’immeuble pour paraître au maximum comme un habitué des lieux. Avec nos coupes Nappy, bien que ma sœur et moi ne nous ressemblions pas vraiment, les gens avaient tendance à nous confondre. Nous espérions donc que cela suffirait pour déjouer la vigilance du concierge, et cela a fonctionné.
Arrivé au dernier étage, je suis entrée dans un loft qui semblait dix fois plus grand que notre cher F3 à Front de Terre. C’était juste waouh quoi ! Cela contrastait totalement avec ce à quoi j’étais habituée. Cependant, cela ne m’impressionnait pas, car malgré la grandeur des lieux, c’était une demeure inutile et dépourvue d’âme. À quoi bon une maison si elle reste inhabitée ?
Je me suis rapidement attelée à la tâche : il fallait s’occuper des trois chambres et de leurs salles de bains à l’étage, ainsi que de la bibliothèque, du bureau, de la cuisine et du vaste salon au rez-de-chaussée. Alors que je récurais énergiquement l’îlot central de la cuisine, je me suis figée sur place en entendant la serrure de la porte d’entrée s’actionner. Il semblait que mon cerveau avait cessé de fonctionner, tant la peur d’être découverte ici, vêtue d’un short et d’un t-shirt trop grand au lieu de l’uniforme de femme de chambre de ma sœur, me pétrifiait.
Un jeune homme fit son entrée mais s’arrêta net dès qu’il me remarqua. Son regard se posait sur moi, ou peut-être au-delà ! Je pense cela car il semblait ne pas me voir, affichant une mine désabusée ou peut-être trop orgueilleux pour reconnaître la présence de simples citoyens. À mesure qu’il s’approchait, je discernais la lassitude qui pesait sur lui, et ses yeux, rétrécis comme s’il était ébloui par la lumière ambiante, étaient ombrés de cernes.
Il balaya le salon d’un regard, et me congédia d’une main.
- Partez, déclara-t-il
J’étais tellement choquée par ce total manque de respect que j’étais comme figée sur place
- Vous êtes sourde ? allez-vous en, vous finirez demain. Wala déguo français ? (Vous ne comprenez pas français ?)
La réponse qui me venait instinctivement à l’esprit n’était pas des plus agréables, et je la tenais sur le bout de la langue. Cependant, en repensant aux risques encourus par ma sœur, je me suis apaisée. Après tout, il ne méritait pas que je m’emporte, il ressemblait plutôt à un enfant gâté frustré de ne pas avoir reçu son argent de poche.
En réalité, je ressentais presque de la pitié pour lui. Il semblait que mes préjugés sur les riches étaient justifiés : leurs existences paraissent terriblement superficielles et, en réalité, ils sont isolés. Mes propres expériences m’ont enseigné que derrière une hostilité sans cause évidente se dissimulent souvent frustration et peur. Peut-être que je tirais des conclusions hâtives à propos de ce cher M. Kebe, et mon vécu n’est certainement pas comparable à ce monde de strass et de paillettes, mais après tout, la nature humaine reste la même, qu’on soit riche ou pauvre.
Alors, je déposai tranquillement l’éponge que je tenais encore dans l’évier, retirai mes gants, puis me lavai et me séchai les mains. Avançant vers le salon, j’adoptai une attitude hautaine, main sur la hanche, et lui répondis comme si j’adressais la parole à un de mes élèves récalcitrants.
- Bonsoir Monsieur Kebe. De toute façon, j’avais presque terminé mon travail. Vous semblez très fatigué et je tiens à vous informer que votre réfrigérateur est vide. Si je peux vous être utile, je peux rapidement vous dénicher quelque chose à grignoter. Ce sera probablement quelque chose de simple, comme des brochettes du meilleur restaurant de Dakar à mon avis, mais je vous assure qu’elles rendent le sourire à quiconque.
Il se redressa et sembla me remarquer pour la première fois depuis son entrée dans le loft. Il avança vers moi tel un lion chassant sa proie, me fixant intensément. Son regard était si perçant qu’il me coupa le souffle. Ses yeux, d’abord plissés, étaient à présent grands ouverts, et ses iris gris, oui gris, me scrutaient de la tête aux pieds. Peu à peu, son irritation fit place à un mélange d’incrédulité et d’amusement.
Il vint tranquillement se planter devant moi, semblant réfléchir à la prochaine étape de notre discussion. Je levai la tête incapable de me dérober à son regard.
- C’est un jeu de rôle, n’est-ce pas ? et si je vous dis oui vous êtes censée faire quoi après ? me lécher les bottes ou me changer les idées ? dois-je vous résister avant de succomber à vos charmes pour que cela ait l’air plus naturel ? n’importe quoi pfff !! Je suis sûr que c’est encore une idée tordue d’Abdou, rouspéta-t-il, semblant se parler à lui-même. Mlle ou madame peu importe le rôle que vous jouez, je ne suis absolument pas intéressé, est-ce clair ?
- Hein ??? demandais-je incrédule
- Comme si une si petite souris pouvait faire quelque chose pour moi à cet instant…
- Comme si un lion, apparemment abruti par le chanvre, avait la moindre chance de faire face à la petite souris, rétorquai-je, immédiatement, piquée au vif.
Mes paroles semblèrent déclencher quelque chose en lui. Il redressa les épaules et son regard se fit
moins flou. Bon sang qu’il était beau ce con ! Il était l’homme le plus sexy que je n’ai jamais vu
durant mes 28 années d’existence.Un homme tel qu’on en trouve seulement dans les fantasmes, les films ou sur les terrains de football ! En d’autres termes, un homme hors de portée pour quelqu’un comme moi. Et je ne le dis pas parce que je me sous-estime, je suis simplement réaliste.
Je sentais bien qu’il essayait de m’intimider en s’approchant aussi près de moi, mais j’étais peut-être une souris, mais je n’avais pas pour habitude de me laisser faire. A défaut d’avoir de la force, ma langue était bien pendue.
- Je n’ai pas dit souris en faisant référence à votre physique, essaya-t-il de s’expliquer
- Vraiment ? lançais-je sarcastique
- Il est vrai que vous êtes petite, et à côté de moi, vous avez l’air d’une souris, mais cela concerne Abdou et moi, et j’ai pensé tout haut. Vous n’avez rien à voir avec les femmes qui fréquentent ce pervers. Je ne comprends pas son choix sur vous
- Tchrr ça suffit Mr Kebe ! Sérieusement vous vous enfoncez à chaque nouveau mot dans le mépris et la bêtise et je ne sais pas qui est, « ce cher pervers d’Abdou », mais ce n’est pas lui qui va vous sortir de ce mauvais pas et encore une fois, je ne suis là que pour votre ménage, balayer, nettoyer, astiquer, vous voyez le topo ? OK ?!!
Les mains posées sur mes hanches, je levai les sourcils dans un défi muet. Son agacement était palpable face à son incompréhension de la situation, et je pouvais lire dans son regard l’embarras d’avoir été irrespectueux. Je me disais alors qu’il n’était peut-être pas aussi arrogant qu’il y paraissait. Néanmoins, il attendait que je détourne le regard en premier, surement habitué à ce que ses ordres soient exécutés sans question. Pourtant, je me bornais à maintenir notre échange de regards.
- D’accord, je me suis mal exprimé, souffla-t-il au bout d’un moment hypertendu.
Avec un air agacé mais indéniablement sexy, il se frotta la nuque. Sur l’échelle du charme, il explosait le thermomètre avec un score de douze ou treize, et ce, même en lui retirant des points pour son attitude condescendante
- Il n’est pas non plus juste de dire qu’un homme qui fume un joint est un incapable, continua-t-il d’un ton nonchalant.
- Je n’ai quand même pas été aussi cruelle envers vous, Monsieur Kebe!
A cause de sa grande carrure, il était obligé de se baisser un peu, bon je dirais un peu beaucoup, pour que nos regards soient à la même hauteur et j’avoue que sa position était plutôt drôle, mais l’envie que j’avais, était complètement opposée au fait de rire. Nos lèvres étaient à quelques centimètres et j’étais persuadée qu’il tentait toujours de vérifier si je n’étais pas une fille que ce “ pervers d’Abdou” lui avait envoyée pour faire un jeu de rôle ou je ne sais pas quoi d’autre de vicieux.
Il ne me semblait plus du tout fatigué au contraire il dégageait subitement une telle énergie que ça me semblait aberrant. Son parfum mélangé à celui de l’herbe qu’il avait dû fumer avant d’arriver me donnait le vertige ! il était diablement sexy et il en était pleinement conscient, l’abruti ! j’avais juste envie de combler la distance qui nous séparait et de mordre violemment ces lèvres si appétissantes largement à ma portée.
Mais sniff, je suis trop raisonnable pour ça n’est-ce pas ?!
Un sourire amusé flottait sur ses lèvres comme s’il lisait en moi comme dans un livre ouvert toutes les conversations que je me faisais à moi-même, à l’instant.
- Savez-vous qui je suis ? demanda-t-il, avec un ton qu’il réussit à faire paraître plus curieux que prétentieux.
- À moins que vous ne soyez M. Kebe, le propriétaire de cet appartement, je ne vois pas qui vous pourriez être. Dois-je m’inquiéter ?
Ma question semblait légère, mais au fond, j’avoue que j’étais un peu paniquée.
- Vous n’en avez pas la moindre idée, n’est-ce pas ?
Bordel, Pourquoi semblait-il satisfait que j’ignore qui il était ? Je haussai les épaules, tout en sentant mes cheveux se hérisser sur ma tête. Quel type d’homme serait soulagé de ne pas être reconnu ? Un criminel ? Un trafiquant de drogue ? Les idées les plus sombres défilaient dans mon esprit avec une précision effrayante.
- Ai-je du souci à me faire, répétais-je d’une voix qui se voulait confiante. Je vous assure que je ne suis là que pour faire le ménage et m’en aller ! Oubliez ma proposition d’aller vous acheter à manger, j’ai simplement cru que vous aviez faim. J’ai dépassé les limites de mes fonctions, faites comme si je n’étais pas là, cela me convient parfaitement !
- Impossible !
- Co-comment ? bégayais-je
- Ce n’est plus possible de faire comme si je ne vous avais jamais vu
Dieu du ciel ! Mon cœur se mit à battre la chamade, j’avais l’impression d’avoir été prise au piège et je ne savais même pas pourquoi. Puis toute pensée cohérente s’évanouit de mon esprit lorsqu’il sourit en posant la paume de ses mains chaudes sur mes bras.
- Calmez-vous donc ! je ne vous veux aucun mal, en tout cas pas pour l’instant rajouta-t-il et je vis dans ses yeux que c’était juste pour me titiller
Il avait dans son regard quelque chose qui m’apaisa aussitôt, mais peut-être bien que j’étais juste naïve et un brin frappée par un petit mais vraiment un tout riquiqui coup de foudre. Du pouce, il suivait la ligne de mes épaules, en un lent mouvement hypnotique.
- Vous me croyez n’est-ce pas, chuchota-il
- Oui.
Je ne parvenais plus à penser au-delà de la façon dont mon propre corps réagissait au contact de ces mains étrangères. Sous leurs caresses légères, ma peau devenait brûlante. Je sentis naître au creux de mon ventre une vibration jamais ressentie. J’étais excitée. Et cet homme semblait s’en rendre compte.
La lueur de contentement que je vis naître dans ses yeux m’arracha de ma torpeur. Je fis un pas en arrière pour fuir son contact et je m’engueulais mentalement. Des élans passionnés de ce genre
n’avaient absolument pas leur place dans l’existence que je m’étais bâtie.
- Non. Je veux dire, oui bien sûr que je vous crois. Je ferais mieux de partir. Je finirai demain.
Ses cils vinrent voiler son regard. Son expression était indéchiffrable.
- Vous savez à quoi je pense, là maintenant ?
- Non, mais vous allez sûrement éclairer ma lanterne
- Je meurs de faim et je déteste manger seul. Je serais très heureux que vous acceptiez de partager un repas avec moi. Si vous partez, je vais certainement me rabattre sur une pizza, alors que je suis sûr que les brochettes du meilleur resto de Dakar me donneraient le smile aussitôt, conclue-t-il en répétant mes propres mots pour me convaincre de rester.
Il existait des centaines, peut-être même des milliers de bonnes raisons pour lesquelles il aurait été sage de partir avant de se ridiculiser. Oui, mais voilà : j’étais tentée. Il y avait plus que son corps sexy qui m’attirait. Je ne pouvais plus attribuer mon attirance soudaine à la lassitude qui se lisait dans ses yeux gris, il y a de cela un instant.
En effet, l’homme épuisé qui m’avait surprise ici, un peu plus tôt, avait cédé la place à un autre, infiniment viril, qui savait exactement comment obtenir ce qu’il voulait. Et à cet instant précis, malgré mon inexpérience, je savais que c’était moi qu’il voulait. Toute ma raison criait de prendre la fuite, mais n’est-ce pas ce que je faisais toujours quand la vie me présentait quelque chose d’apparemment trop beau pour être réel ?
À chaque occasion, je sacrifiais mes envies pour une sécurité que je considérais plus sûre. Mais cette fois, je désirais savourer le fruit que j’avais constamment refusé. Aujourd’hui, je ne prendrais pas la fuite. Du moins, pas tout de suite. Je m’apprêtais à partager un repas avec cet Appolon qui se tenait devant moi, à profiter pleinement de la manière dont son regard me donnait des frissons, puis à partir avant qu’un geste irréfléchi ne soit commis. Ainsi, il n’aurait pas à dîner seul, et je pourrais me prêter au jeu pendant une heure, en faisant comme si toute cette histoire était vraie.
- Vous êtes déjà aller à “roukkou” (le coin)?
La question parut le surprendre
- Pour y faire quoi ? demanda-t-il me faisant rigoler
- Vous n’avez rien contre la nourriture de rue, j’espère ?
- Euhh, je n’en ai jamais mangé pour dire vrai.
- Je peux vous faire découvrir ce que mange le bas peuple, rire. À moins que vous ne préfériez que je vous propose autre chose.
- Non, non, je fais confiance à votre jugement répondit-il avec un petit sourire entendu, esquissé plus pour lui-même. Ce soir semble être une soirée de découverte, et je me demande même si vous n’êtes pas un djinn
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? demandais-je
D’un geste empreint d’une douceur inattendue, il toucha le bout de mon nez
- J’ai l’impression que d’un simple coup d’œil vous avez su deviner ce dont j’avais besoin. Ça ne peut pas être “humain” ! Est-ce que do sama guélou rabb bi ? (Vous êtes surement ma fiancée djinn)
Et alors que j’étais en train de faire passer en boucle dans ma tête ce qu’il venait de dire, il recula d’un pas en me tendant une poignée de billets excédant de loin le prix de n’importe quel plat que j’aurais pu choisir même dans un restaurant de luxe, encore moins dans un restaurant comme celui où je comptais acheter notre dîner.
- Allez donc acheter tout ça pendant que je prends une douche, poursuit-il en s’éloignant. On m’a fait comprendre que je sentais un peu trop la beuh, rajouta-t-il encore par-dessus son épaule.
Je le regardais s’élancer avec ses fesses super sexy, dans les escaliers en éventant mon visage avec les billets. J’avais chaud ! Sans chasser tout à fait de mon esprit l’image de cet homme nu sous le jet de la douche, les parois de la cabine embuées de brumes chaudes, j’ai pris mon sac et mon portable.
Un homme aussi séduisant, c’est forcément une source d’ennuis me dis-je, convaincue. Heureusement, il était plus qu’improbable que j’ai à le revoir un jour. On allait partager un moment autour d’un repas, puis je m’en retournerai vers ma réalité, mon existence douillette et sans surprise.
Et pour la première fois, je m’avouais, intérieurement sans m’y attarder, que j’avais la vie intime la plus tristounette de l’univers intergalactique
Encore une merveille que dire Maya un chef d’œuvre waouhhhh!
Je suis passée par un maelström d’émotions, c’était vibrant, triste, joyeux, sensuel jamais obscène !
On a l’impression de faire partie de la vie des personnages de vivre tout ça avec eux! Mais douma la Bâle sama niak nelaw yi deh Mais Rassoul Kebe il est qui folina Ahma
J’avais trop hâte d’entendre Rassoul
enfin mon Rassoul
merci madidi🤩