Merveilles de Femme

Histoires africaines

NOOR , LA LUMIERE

MOON & NOOR – CHAPITRE 4

*********MOUNIROU MOUNTAKHA*********

  • Je t’avais dit que ta rencontre avec les triplés avait un sens. Il est temps que tu réintègres la société, Moun, insista Victor quand je finis de lui raconter ma rencontre avec Dieuwrigne Ndiassé.
  • Et pourquoi crois-tu que rester ici c’est forcément signe de rédemption ? Peut-être que d’autres épreuves t’attendent ici aussi. Dans tous les cas, ces enfants ont besoin de toi.
  • Maintenant que je sais qui est leur grand-père, j’ai un doute sur ton dernier hypothèse. Victor, cet homme m’a éduqué moi-même. Il a fait de moi ce que je suis, je n’imagine même pas ce que serait ma vie, si mon homonyme ne lui avait pas demandé de prendre soin de moi. Alors, crois moi, en dehors de leur lien de parenté, ils ont déjà le meilleur éducateur possible.
  • J’imagine Baye Djiby à l’époque, il devait être jeune et fringant…
  • Tout le Daara avait peur de lui tout en l’admirant, c’était le Baye Fall dans tout sa splendeur. Tout dans la rigueur et la dévotion. Il m’a appris la discipline, et à aimer le travail pour servir la communauté. À l’âge de 12 ans, lorsque j’ai quitté Darou Miname, il avait déjà deux épouses et trois enfants : deux garçons et une fille. Ils étaient plus jeunes que moi et nous n’étions pas très proches.
  • La fille, c’est surement la mère des triplés. Quand il sont venus s’installer à Grand Yoff, elle avait 5 ans. Nous étions voisins et dès le départ, on a eu un lien très particulier le vieux et moi, j’avais 11 ans et je venais de perdre mon père. Il m’a quasiment adopté. Vu notre lien, ma mère a longtemps stressé de peur que je me convertisse, mais Dieu avait déjà un projet pour moi, et Baye Djiby a été mon principal soutien dans ma quête. Il a été présent pour moi à tout moment malgré nos différences.
  • Tu sembles aussi très proches de la mère des enfants.
  • Ah oui ? Et comment tu as deviné ça ?
  • Tu veux vraiment que je m’explique ?
  • Te fais pas désirer !
  • Tu souris toujours quand tu parles d’elle, ça te va comme réponse ?
  • Si je n’avais pas consacré ma vie au Christ, je l’aurai peut-être épousée, cette chipie.
  • Je vois. Ce n’est pas banale comme histoire.
  • Effectivement. Mais, c’est ma petite sœur comme Odile. Et j’avoue que j’ai une profonde affection pour elle, même si elle est casse-couille, termina-t-il en chuchotant.

Il éclata de rire, et je réalisai alors que Monsieur le curé était vraiment jeune. Cependant, le poids de ses responsabilités et son léger embonpoint lui donnaient une apparence plus âgée.

  • Je suppose que Baye Djiby voudra que tu loges chez lui ? demanda-t-il, plus sérieusement.
  • Tu me mets dehors ?
  • Absolument pas.
  • Alors je reste avec vous.

J’avais un engagement avec la paroisse que je comptais bien respecter jusqu’au bout. Et ici, je ne me sentais pas comme une charge.
Dieuwrigne Ndiassé… Il fut mon mentor, mon tuteur, mon père de cœur. Toute mon enfance porte son empreinte. Et aujourd’hui, je réapparais dans sa vie sans prévenir, emporté par le hasard — ou peut-être guidé, une fois encore, par cette lumière impénétrable.

Même s’il m’a cherché, je n’ai pas le droit de m’imposer. J’étais là, mais en retrait. À la paroisse, je trouvai refuge sans m’effacer, et je veillai sur les triplés…, sans bruit. Leur insouciance me rappelait tout ce que j’ai laissé derrière.

Je ne savais pas encore si je suis prêt à retourner dans ce qu’on appelle une « vie ». Pour l’instant, j’observai. Je me tiens en équilibre, entre deux mondes. En attente d’un signe. Ou d’un test.

  • Tonton Victor, tonton Victor ! Viens vite, cria Ridial en déboulant comme d’habitude par la porte arrière.
  • Qu’est-ce qui se passe Ridial ?
  • C’est Grand-mère ! Papi veut que tu viennes faire sortir Djé tout de suite de la maison.
  • Oh Seigneur tout puissant ! Je savais que ça se passerait comme ça, soupira-t-il, elle finira par la tuer…

Il fila comme un lièvre dans ses appartements pour en ressortir en chemise et pantalon mais sans sa soutane. Sa mine inquiète indiquait que le cas était sérieux, mais qui allait tuer qui ? Quelle est cette situation qu’un Homme comme Djibril Ndiassé Lo ne pouvait pas régler dans sa propre maison ? J’allais être bientôt fixé car dès qu’il revint à ma hauteur, Victor me demanda de l’accompagner. J’étais un peu gêné car j’avais l’impression de violer leur intimité, mais il se pourrait que je sois utile si jamais il y’avait une bagarre, même s’il me semblait que c’était qu’une querelle de bonnes femmes.

J’allais rencontrer la mère des triplés, le moment n’était certes pas idéal pour des présentations mais il allait falloir faire avec. Je suivis Victor et Ridial qui en me prenant la main, me prouvait à quel point la situation le bouleversait. Je m’attendais à des cris, des insultes, tous les ingrédients d’une bagarre, seulement, même si tous les habitants de la maison semblaient être dans la cour, ils étaient juste en train d’écouter deux femmes qui se faisaient face à face. Deux femmes tres calmes à première vue. Mais plus on avançait plus on voyait les tensions sur leur visage. Dieuwrigne Ndiassé tenait la plus jeune par la main, surement la mère des triplés, essayant de la tirer vers lui, alors qu’elle lui résistait.

Pour quelqu’un qui ne comprend pas wolof et qui se trouvait actuellement dans cette cour, il pourrait croire que c’était juste une conversation tendue entre deux adultes, alors que leurs voix posées, à toutes les deux, exprimaient une violence inouïe !

  • Il est hors de question que tu reviennes dans cette maison, parce que tu es incapable de gérer un foyer ! En fait tu n’es qu’une putain, qui veut gouter le plus d’hommes possible et tu crois qu’on va te regarder utiliser les liens sacrés du mariage à ta guise pour assouvir tes fantasmes, disait la femme la plus âgée.
  • Mère Djatou franchement tu es vulgaire. Et je reviens ICI quand je veux car c’est chez mon PERE. Mes mariages, mes fantasmes, et tous ça, vois-tu, ce sont les MIENS. Je les gère comme je veux et je ne te demande pas ton avis si tu veux savoir. Je ne pense pas que, même si je suis une nymphomane, que quelqu’un me jettera la pierre car je suis la pute de mon mari. Et puis qu’est ce qui te dérange vraiment ? Que j’ai le choix ? Que je choisisse qui je veux ? Que je quitte qui je veux, quand je le veux ? Et bien il va falloir t’y faire, madame. Je me marierai cent fois, s’il le faut, mais il est hors de question que je reste dans un mariage ou je ne me sens plus bien.
  • Un mariage ou tu n’as plus intérêt, c’est cela oui ! Avec ta grande gueule et tes airs de diva, tu te crois au-dessus de tout le monde et tu crois que tu mérites mieux que tout le monde ! Mais yaw yaye kane ba ngani do woudier (mais tu es qui pour ne pas voir de coépouses) ??? Djibril Lô t’a gâtée et pourrie, mais il s’en mordra les doigts. Tu ne vaux rien et tu ne sers absolument à rien ! Même tes propres enfants, tu ne sais pas t’en occuper ! Tu veux cent mariages ? Alors vas-y sale garce, baise tous ces hommes si tu le peux ! Tchipppp ! Il est temps que tu admets que tu es malade et va te faire soigner mo gueune !
  • (rire sarcastique) Ahhh toi aussi « maman » arrête waye ! Tu oublies que lo guisse si mane ba sékhlou ko, lou meu djeufer mou doye warr, ma wakhko mou djégui dayo, Si sama derette leu ??!!! Sou madé tiaga Djatou Mbengue, khamale ni djeul nala bamou diekh tak ndakh yaw yaye ndéyou koba yi… (tu oublies que tout ce qui te répugne chez moi, mes actes que tu arbores, mes paroles qui te révulsent, c’est dans mon sang?! Si je suis une pute Djatou Mbengue, dis toi juste que je suis tes pas, puisque tu es la mère des putains).
  • Djendé !!!! cria Victor à côté de moi avant de s’élancer vers elle pour l’empêcher de parler, mais elle l’arrêta d’un regard.
  • Stop Vic ! Ne te mêle surtout pas de ça ! Que personne ne se mêle de ça !

La jeune femme était maintenant tellement en furie qu’elle ne semblait ne plus rien entendre que le son de sa propre voix, mais elle ne criait toujours pas.

  • Djé, calme toi. Elle reste ta mère, supplia Victor.
  • NON ! Ne te salis pas les mains, Victor Sene ! Khékhou tiaga la koussi lalé takeu si ripp ! (c’est une bagarre entre putes, si tu t’en mêles tu n’en sortiras pas indemne).
  • Je vais te tuer Djendé Lo, j’aurais du le faire quand tu es née, gronda la daronne.
  • Tu aurais dû ! Cela m’aurait épargné de grandir et devoir te supporter. Je reviens ici moulaye nekh wala moulaye nakari (que ça te plaise ou pas)! fi laye tiagato désormais si sa wétt, nga maye wone nakala, ngaye sauce maye sauss…(c’est ici que je vais faire ma pute désormais, tu vas mieux me coacher, tu baises, je baiz…)

Je ne sais plus à quel moment, je me suis retrouvé en face d’elle, mais je n’avais plus aucune envie d’entendre encore un seul mot de sa part . D’une main ferme, je lui fermai la bouche et de l’autre je la soulevai et nous prîmes la direction de la sortie. Il était hors de question qu’elle reste une minute de plus dans la maison. Elle se débattait comme elle pouvait mais je la tenais fermement, il était temps qu’elle se calme.

 

**********VICTOR SENE***********

Alors que j’hésitais sur quoi faire pour arrêter cette situation qui partait totalement en cacahouète, je sentis comme un éclair Moun me dépasser et se diriger vers Djendé. Avant que je ne reprenne mon souffle, il la sortait de la maison, sa main fermant sa bouche. Je les suivis en courant, les triplés derrière moi.

Cette situation ne pouvait plus durer, j’avais averti Pa Djiby qu’un jour ou l’autre, sa fille allait craquer et entrer dans le jeu de mère Djatou. Durant toute son enfance, la dame ne lui avait jamais épargné des paroles désobligeantes, mais elle avait pourtant toujours répondu par le silence. Aujourd’hui, je ne suis pas certain de ce qui s’est dit avant notre arrivée, mais cela semblait avoir rompu l’équilibre serein que Djé avait toujours maintenu face à sa mère.

Dès qu’on traversa la petite porte de la cour arrière, Moun la relâcha brusquement. Mais elle atterrit en équilibre sur ses deux pieds avant de faire face à celui qui venait de la trimbaler comme un sac de pomme de terre, de la maison jusqu’à la paroisse. Elle le regarda de haut en bas, avant de croiser ses bras sur sa poitrine dans un geste de pur défi; les garçons l’encerclèrent dès qu’ils la rejoignirent avant de lui faire un câlin collectif. Quand elle sourit, un énorme poids sembla s’enlever de mes épaules, mais je savais que c’était un sourire sarcastique. Puis sa voix rauque retentit tranquillement dans la cour :

  • Djé : je ne sais pas si je dois vous remercier de m’avoir empêcher de commettre un crime ou arracher la cloche de l’église et le faire tomber sur votre tête, dit-elle en fixant à nouveau Moun.
  • Moon : et moi j’hésite entre vous gifler ou vous attacher à cet arbre derrière vous.
  • Djé : eh bien, c’est culoté ! Mais comme je ne suis douée que pour une bagarre par jour, je ne vais pas me plaindre, je vais juste vous remercier d’avoir réussi à m’empêcher d’étrangler Djatou Mbengue.
  • Moon : votre mère !
  • Djé : hum, on pourrait débattre sur ce que représente mère Djatou pour moi durant des jours je pense qu’on ne sera jamais d’accord. Tu viens d’arriver depuis quoi ? dix secondes ? C’est un laps de temps vraiment trop court pour te permettre de lui octroyer le digne statut d’une mère…
  • Moon : peu importe, soxnassi ! Ki la souk diour moye sa Ndeye (celle qui t’a mise au monde ne peut être que ta mère) ! té soudoul sa ndeye (et si tu ne l’accepte pas), elle est l’épouse de ton père, il y’a un minimum…
  • Djé : Non ! je comprends votre position mais je ne l’accepte pas.
  • Moon : il y a un certain comportement que vous ne pouvez pas avoir devant vos fils.
  • Djé : c’est vrai et c’est la seule raison pour laquelle je viens de vous remercier.
  • Moi : les enfants et moi nous pouvons t’assurer Mounirou que c’est la première fois que la situation dérape à ce point.
  • Midaadi : d’habitude c’est juste mère Djatou qui est hystérique…
  • Ridial : Djé va se détester demain matin quand elle va se réveiller et se rendre compte vraiment compte qu’elle s’est comporté comme ça.
  • Mame Balla : ils ont raison, ma reine, tu as été très vulgaire…
  • Djé : pas besoin d’attendre demain, je me sens déjà mal. Désolée poussin, chuchota-t-elle en s’accroupissant à la hauteur de Mame Balla.

Ce dernier la prit dans ses bras, et je fis signe à Moon pour qu’il me suive. On s’assit sous la pergola, laissant mère et fils un peu d’intimité.

Pour avoir pris le temps de bien connaitre mon nouvel ami, j’étais persuadé qu’il était très frustré. Sa tentative de réprimande envers Djé avait été interrompu par nos interventions, les enfants et moi. Il m’a suivi sous un calme apparent, mais son visage restait fermé et son regard ne quittait pas les enfants qui semblaient consoler leur mère.

  • Heureusement que tu as vite intervenu, commençais-je pour tâter le terrain.
  • C’était ça ou la gifler, comme je lui ai dit et j’étais sérieux. Elle a dépassé les bornes, Victor. Et Rien de ce que tu vas me dire ne me fera cautionner ce déchainement de paroles inappropriées.
  • C’est vrai qu’elle n’aurait pas du tenir de tels propos envers sa mère. Je suis parfaitement d’accord avec toi.
  • Mais tu vas lui chercher des excuses. Au temps pour moi, tu lui as déjà trouvé des excuses.
  • C’est parce que je connais cette famille comme ma poche, et que je sais de quoi mère Djatou est capable pour faire du mal à sa fille.
  • Elle est sa mère , SA MERE, bon sang ! Ce que je ne comprends pas c’est comment Dieuwrigne Ndiassé Lo peut accepter une telle chose sous son toit.
  • La vie n’a pas été tendre avec eux… Et Djendé a beaucoup subi les affres de sa mère.
  • Peu importe les difficultés Victor ! Nous sommes croyants et le respect qu’on doit vouer à nos parents peut être même considéré comme une forme de culte car les satisfaire c’est satisfaire Allah. Si le prophète (paix et salut sur lui) a souligné que « le paradis est sous les pieds des mères » c’est pour nous montrer l’immense valeur de nos mamans malgré leurs défauts. Et qu’est-ce qui est écrit dans Ephésiens 6 : 1-3 ?
  • « Enfants, obéissez à vos parents, selon le Seigneur, car cela est juste. Honore ton père et ta mère, afin que tu sois heureux et que tu vives longtemps sur la terre. »
  • Ta protégée s’est déchainée pour la première fois aujourd’hui face à sa mère comme tu dis, mais regarde-la. A-t-elle l’air d’être heureuse ? Non ! Mais elle a cassé la dernière barrière de respect qui restait entre sa mère et elle. Et tu sais Victor, les mauvaises paroles sont comme du miel sur la langue quand on est plein de rancœur. Maintenant qu’elle y a gouté, si tu ne la freines pas tout de suite, elle aura encore le même comportement demain face à sa mère.
  • Hé, c’est moi le prêtre ici !!! Je suis sensé faire les sermons, mon vieux !
  • Pfff , toi là dès qu’il s’agit de cette fille, tu deviens juste un homme.
  • Je deviens un frère protecteur, c’est une réalité.
  • Donc agis en conséquence ! La protéger, c’est l’éduquer. L’aimer, c’est lui montrer le bon chemin. Vouloir son bonheur, c’est la guider !!!
  • Je reste persuadé que ce qui est arrivé aujourd’hui ne se reproduira plus, Moon. Et je te dis ça parce que je connais Djendé Lo très, très bien ! La scène à laquelle tu assisté n’est pas sa réalité. Même si tu n’a jamais fait de commentaire la dessus je sais que tu entends tout ce qui se dit sur elle dans le quartier. Tout est faux ne te laisse pas influencer par les préjugés que les gens ont sur elle…
  • Je ne me base jamais sur des rumeurs pour me faire un avis sur une personne. Et je suis sur que parmi toutes ces personnes qui prétendent la connaitre, tu es le mieux placé pour parler d’elle car toi tu la connais véritablement. Je vais me fier à toi et accepter que ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui n’est pas représentatif de qui elle est. Mais, il est important pour moi de savoir qu’elle a des valeurs que je partage car si je dois continuer à m’occuper des triplés, nous devons elle et moi, avoir les mêmes objectifs d’éducation. Je ne peux pas leur inculquer une discipline positive et bienveillante si de son côté leur mère n’a pas une relation saine et respectueuse avec les membres de sa propre famille.
  • Quand tu connais Djibril Ndiassé Lo, tu t’attends à ce que sa fille ressemble en apparence à Soxna Fatim par exemple, posée, pudique, voilée ! Djé est extravertie, exubérante, bagarreuse, grande gueule, autoritaire, effrontée, mais Son père l’a créée de toute pièce. Tous ces attributs que je viens de lui coller à la figure ne sont que la partie visible de l’iceberg. Je fais confiance à ta science de la personnalité humaine pour la cerner assez vite ! Je ne te promets pas que tu vas l’apprécier mais je suis persuadée que tu retrouveras en elle tout ce que tu respectais chez son père…